Anatomie d’un projet de professionnalisation des paraprofessionnels vétérinaires en Afrique de l’Ouest
Améliorer la qualité des services vétérinaires, en renforçant les compétences des paraprofessionnels vétérinaires et en développant un cadre institutionnel et socio-économique durable, est au cœur du projet P3V mis en œuvre par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA), avec lequel le Réseau FAR est partenaire. Retours sur les avancées et principaux résultats de ce projet de 4 ans (2020-2024) qui intervient auprès de 5 établissements de formation au Sénégal et au Togo, et sur les prochaines grandes étapes.
Avancées et principaux résultats du projet P3V entre 2020 et 2024
Le projet professionnalisation des paraprofessionnels vétérinaires (P3V) financé par l’Agence française de développement (AFD) est mis en œuvre par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OMSA) sur une période initiale de 2020 à 2024. Deux pays d’intervention, le Sénégal et le Togo, ont été initialement défini. Le projet a démarré en septembre 2020 avec les activités de prise de contact et d’identification des principaux partenaires du projet P3V. Au fil des années, les différentes composantes ont été déroulées pour répondre progressivement aux besoins des partenaires nationaux, notamment i) diagnostic ; ii) développement d’un cadre institutionnel, iii) renforcement des capacités, iv) développement d’un cadre socio-économique durable et v) gestion du projet.
1. Composante sur le diagnostic
Cette composante a été importante afin de définir une situation de référence pour les pays.
Une analyse de l’offre et des besoins de formation vétérinaires a permis d’identifier les besoins de formation initiale et continue pour les paraprofessionnels (PPV) des pays d’intervention. Ces besoins ont été centrés sur la révision des curricula selon les lignes directrices de l’OMSA, le renforcement de la formation clinique et pratique dans les établissements, l’appui en ingénierie pédagogique, l’appui à l’organisation des stages des étudiants, ainsi que des besoins en formation continue pour les PPV déjà en activité.
Aussi pour une bonne compréhension du personnel vétérinaire dans les pays, une étude pilote d’analyse de la démographie et les réseaux de professionnels vétérinaires a montré dans les deux pays une répartition inégale du personnel selon les zones agro écologiques de chaque pays. A l’issue de cette étude, un groupe de travail a été mis en place pour orienter la rédaction d’une stratégie et d’un plan d’action de renforcement du réseau de professionnels vétérinaires en collaboration avec les services vétérinaires de chaque pays. Au Togo la stratégie et le plan d’actions ont été validés en mai 2024 et des échanges sont en cours pour la rédaction et la validation du document au Sénégal. L’activité sur la stratégie est importante afin d’assurer une feuille de route pour l’intégration, la reconnaissance, et le contrôle des activités des PPV au niveau national, comme force de travail central pour les zones ruraux et comme complément au travail des vétérinaires au niveau national. Il appartiendra à chaque pays de prendre le relais après l’adoption pour la mise en œuvre de ladite stratégie selon leurs priorités et ressources.
2. Développement d’un cadre institutionnel
Lors des missions initiales et des activités de la composante sur le diagnostic, il a été constaté une situation institutionnelle différente au Sénégal et au Togo. En effet, au Sénégal il existe une définition claire des profils paraprofessionnels vétérinaires qui sont autorisés à s’installer en clientèle privée alors qu’au Togo, il n’existait pas cette catégorisation des PPV, qui en effet ne sont pas autorisés à s’installer en clientèle privée. Ainsi des activités d’appui à la mise à niveau du cadre règlementaire à travers le Programme d’Appui à la Législation Vétérinaire (PALV) adaptées au contexte national ont été organisées dans chaque pays. Au Sénégal, ces activités ont été organisées autour de l’appui à la finalisation d’un projet de Code de la santé publique vétérinaire particulièrement sur le titre II du Code, qui aborde l’exercice de la médecine vétérinaire et le contrôle des professions vétérinaires. Au Togo, une mission d’identification de la législation vétérinaire a été menée en 2021, et un Accord sur la législation vétérinaire est en cours de mise en œuvre afin d’améliorer la définition des catégories de PPV dans le pays ainsi que l’exercice à titre privé de la médecine vétérinaire par ceux-ci.
En plus, pour cibler les besoins des éleveurs dans l’offre de service et améliorer la reconnaissance des professions de santé animale, un appui à la concertation et aux campagnes de communication des services vétérinaires est en cours. Cette activité est conduite par l’ONG Brooke au Sénégal et VSF Suisse au Togo. Ces prestataires, en collaboration avec l’équipe P3V et les services vétérinaires du pays, conduiront des activités qui permettront de promouvoir un cadre de concertation durable entre les Services Vétérinaires, les vétérinaires, les PPV privés, les agents de santé animale communautaires et les éleveurs, de mettre en œuvre des activités de concertation avec les éleveurs, assurant la participation des femmes et des jeunes, sur les questions liées aux services des PPV en santé et production animales. Cet encadrement permettra, de plus, une meilleure définition pour les éleveurs des rôles et activités autorisés pour les PPV, le renforcement de la visibilité des prestations des PPV, le développement d’un plan de communication sur le cadre règlementaire vétérinaire mis à jour, et l’amélioration de la connaissance des acteurs du réseau de santé animale, particulièrement des PPV, sur les bonnes pratiques d’utilisation des médicaments vétérinaires.
3. Composante sur le renforcement des capacités des PPV
Dans chaque pays, le projet travaille en partenariat avec des établissements nationaux de formation des paraprofessionnels vétérinaires et autres techniciens de l’élevage et de la santé animale. Au Sénégal, les établissements partenaires du projet sont :
- Le Centre national de formation des techniciens de l’élevage et des industries animales (CNFTEIA) à Saint Louis qui forme un profil de niveau Bac ;
- L’Institut supérieur de formation agricole et rurale (ISFAR) à Bambey qui met en œuvre une formation de niveau Bac+3 ;
- L’Université du Sine Saloum El-Hâdj Ibrahima Niass (USSEIN) à Kaffrine qui implémente une formation de niveau Bac+3.
Au Togo, les établissements partenaires du projet sont :
- Institut national de formation agricole (INFA) de Tové qui forme deux profils (Bac Pro et Bac+3) ;
- L’Institut supérieur des métiers de l’agriculture (ISMA) de l’Université de Kara qui forme un profil de niveau Bac+3.
L’appui du projet en ce qui concerne la formation initiale a été faite à travers ces établissements partenaires. Diverses activités ont été conduites avec ces établissements notamment :
- L’analyse, le développement, l’adoption et la mise en œuvre des curricula de formation mieux alignés avec les lignes directrices de l’OMSA et les activités des PPV dans chaque pays. Cette activité a permis à l’OMSA de proposer une mission PVS pilote d’analyse et de développement des curricula de formation des PPV.
- Un renforcement des plateaux techniques des établissements pour la formation clinique et pratique et la formation des enseignants à la mise en œuvre de la formation clinique et pratique ;
- Un appui en matériel vétérinaire pour les étudiants diplômés ;
- Un appui à la mise en œuvre des stages des étudiants;
- La production de ressources pédagogiques au profit des établissements ;
- La création d’une passerelle de formation entre les études vétérinaires et paraprofessionnelles vétérinaires.
Ainsi sur la période de mise en œuvre du projet, 6 curricula de formation ont été développés et sont actuellement mis en œuvre dans les établissements. Le projet a aussi permis la formation de 33 enseignants dont 8 femmes, dans les deux pays sur l’usage du matériel offert pour les enseignements cliniques et pratiques. L’appui du projet a également permis d’octroyer des kits de terrain à 240 étudiants des établissements dont 40% de femmes. En plus, 160 étudiants dont 30,6% de femmes ont pu entreprendre des stages pratiques de terrain avec l’appui du projet.
Le projet a apporté un appui aux professionnels en activité à travers des formations continues sur les soins vétérinaires, la législation et la règlementation vétérinaire et le jeux sérieux ALERTE développé par le projet EBO Sursy. Dans les deux pays, cette intervention a permis de renforcer les compétences de 250 personnels vétérinaires dont 177 PPV.
En partenariat avec le Réseau FAR, le projet conduit actuellement une activité d’appui à l’ingénierie pédagogique dans les établissements partenaires du projet. L’activité sera conduite en trois phases dont i) diagnostic, ii) intervention et iii) suivi.
4. Composante sur le développement d’un environnement socio-économique durable
Les activités de cette composante ont débuté en 2023. Des études sont en cours afin de proposer et tester un outil de suivi de l’insertion professionnelle des diplômés des établissements partenaires au Sénégal et au Togo. Elles permettront aussi d’évaluer la rentabilité des activités de santé animale selon les zones agroécologiques ainsi que les spécificités liées au genre. Le principal résultat attendu de cette composante est de mettre en place un dispositif durable d’accompagnement à l’insertion professionnelle des PPV dans chaque pays.
5. Composante sur le management du projet
Les réunions annuelles de coordination nationale permettent une rencontre participative et informative avec les acteurs principaux du projet. Elles permettent d’analyser les activités mises en œuvre dans chaque pays, discuter des étapes suivantes du projet et recueillir des recommandations pour les prochaines étapes du projet. Dans le cadre des activités de cette composante, une étude sur le genre dans le domaine de la santé animale a été conduite au Sénégal et au Togo. Cette étude a identifié les éléments suivants :
- Existence de peu d’informations sur le genre dans les services vétérinaires ;
- Le Sénégal et le Togo ont bien progressé dans le renforcement des cadres réglementaires et politiques pour promouvoir l’égalité des sexes, apportant une crédibilité et une légitimité politique aux discussions sur le sujet ;
- Les femmes sont sous-représentées dans le paysage de la santé animale : malgré leur nombre croissant, en particulier au Sénégal, les femmes restent très minoritaires dans le secteur des services vétérinaires et parmi les étudiant.es.
- Une série d’obstacles spécifiques à l’éducation rendent l’inscription et l’achèvement des études difficiles pour certaines jeunes femmes, y compris les perceptions et la confiance en soi pour s’inscrire et réussir, le manque de soutien financier, une offre de logement inadaptée, etc.
Prochaines grandes étapes du projet
Les principales activités restantes incluent l’appui à la législation vétérinaire, l’appui aux établissements afin d’améliorer la formation clinique et pratique, le suivi des constats sur le genre, et la construction d’un dispositif d’appui à l’insertion professionnelle. Cette année, le projet P3V prendra activement part à la conférence continentale de l’OMSA sur le développement du personnel vétérinaire qui aura lieu à Nairobi du 26 au 28 Novembre 2024. Il est en outre prévu l’organisation d’un atelier sous régional sur le développement du personnel vétérinaire fin 2025. L’OMSA mettra également en œuvre une activité de capitalisation de l’ensemble des résultats et des leçons apprises dans le cadre de ce projet dans la perspective de leur transférabilité à d’autres pays. Enfin, depuis cette année, un troisième pays, le Bénin, a été intégré au projet.
Laibané Dieudonné Dahourou
OMSA
Assistant technique régional, expert en pédagogie
ld.dahourou@woah.org