[Paroles d’acteur] Côte d’Ivoire / L’approche du genre dans la formation et l’insertion professionnelle des jeunes dans l’activité agricole
“Notre dispositif a maintenant la confiance des associations de femmes de notre territoire qui répondent massivement à ses activités.” La Plate Forme de Services Yopougon a animé pendant 4 ans à Adiopodoumé, dans le district d’Abidjan, un chantier d’insertion agricole en prenant en compte la dimension genre dans son recrutement, avec au moins 30 % de femmes dans ses effectifs. Des approches nouvelles pour la mission locale, avec des effets manifestes sur les femmes, mais aussi sur la structure porteuse et sur le territoire.
Dans quel contexte s’est développé l’expérience ?
Dans le cadre du déploiement du dispositif d’insertion des jeunes PFS (Plate Forme de Services) dans la commune de Yopougon, les enquêtes socio-économiques menées en vue de l’élaboration d’un Plan Local d’Insertion des Jeunes (PLIJ) en 2012 ont révélé l’existence d’un secteur potentiel pour l’activité maraîchère péri-urbaine. Cette étude a montré que cette activité impliquait autant les femmes que les hommes dans la production. Et, les premières sont encore plus impliquées dans la commercialisation.
Ainsi, le secteur agricole maraîcher a été identifié comme secteur porteur et bassin d’emplois pour les femmes et les hommes âgés de 18 à 40 ans, sans emploi. Et, un chantier d’insertion dans cette filière a été conçu et implanté en 2013 dans une zone traditionnelle de production (le village d’Adiopodoumé, situé à la périphérie de la commune de Yopougon). Ce dernier devrait tenir compte de la dimension genre dans ses recrutements avec au moins 30 % de femmes dans ses effectifs.
Quelle a été la période et la zone d’intervention de l’expérience ?
L’expérience s’est déroulée pendant 4 ans, de 2020 à 2023, dans le district d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et plus précisément au sein du Chantier d’insertion agricole de la PFS Yopougon, dans le village d’Adiopodoumé.
Quels ont été les acteurs principaux et leurs rôles ?
Au niveau des acteurs impliqués dans le présent projet durant ces quatre (04) dernières années, il y a :
- le partenaire institutionnel : le Comité Local d’Insertion des Jeunes (CLIJ) de la PFS Yopougon qui regroupe les différents acteurs de la collectivité (Mairie, chefferie villageoise, organisation de jeunesse, opérateur économique, structure d’encadrement et de financement). Il oriente et impulse les actions de la PFS auprès de la population de la commune notamment au niveau de la sensibilisation sur le projet ;
- le partenaire technique et financier du projet : l’ONG Action Contre la Faim (ACF) ;
- les organes opérationnels :
- la Mission Locale de la PFS Yopougon, qui accueille et identifie dans ses locaux les jeunes intéressés par le projet. Elle les sélectionne (selon le critère genre) pour le projet qu’elle exécute en collaboration avec ACF.
- Celpaid, une structure de micro finance, qui loge le fonds de garantie pour le financement des prêts pour l’installation des jeunes.
Quelles ont été les principales activités menées ?
1. Information & sensibilisation. De 2020 à 2023, dans le cadre du présent projet d’insertion des jeunes dans l’activité agricole maraîchère hors sol biologique, la PFS Yopougon (sa Mission Locale et son CLIJ) a informé et sensibilisé chaque année les jeunes de la commune à travers la radio communautaire, les réseaux sociaux, les rencontres dans les quartiers et villages périphériques du chantier d’insertion puis les a invité à s’inscrire en encourageant les candidatures féminines.
2. Sélection des jeunes selon l’approche genre. En deuxième phase, les jeunes inscrits ont été entretenu pour un profilage socio-économique et pour l’évaluation de leurs niveaux de motivation par la PFS (Mission Locale), en collaboration avec son partenaire ACF. A la fin de cette étape, les jeunes sélectionnés définitivement selon le critère genre, l’entretien et le budget pour les activités annuelles du projet ont été orientés au chantier d’insertion de la PFS.
3. Formation des jeunes. Durant la troisième phase, le chantier a accueilli chaque année durant 4 ans une cohorte de 30 jeunes filles et hommes sélectionnés en mode internat ou non selon leurs profils. Ils ont été entièrement pris en charge et ont bénéficié d’une formation attestée et exécutée par la PFS Yopougon (Mission Locale) grâce à l’appui financier de ACF durant la durée du projet.
4. Accompagnement des jeunes. La quatrième phase correspondait à l’accompagnement des bénéficiaires ayant achevé leurs formations en entrepreneuriat et en emploi salarié, en collaboration avec la microfinance Celpaid.
Quels résultats avez-vous obtenu ?
Le présent projet a concerné 187 jeunes inscrits dont 75 femmes sur les quatre années du projet. Parmi eux :
- 120 jeunes dont 44 femmes ont été définitivement sélectionnés et ont démarré le programme de formation ;
- 107 jeunes dont 43 femmes ont achevé les formations (8 d’entre elles sont issues de la commune voisine de Songon) ;
- 24 jeunes dont 10 femmes ont profité du programme pour effectuer des stages de validation de leurs diplômes de Brevet de Technicien Supérieur (BTS) ;
- 27 jeunes dont 6 femmes ont profité du programme pour effectuer un stage de professionnalisation ;
- 77 jeunes dont 33 femmes sont insérées dans la production (10 femmes équipées et installés, 8 femmes en emploi salarié) et la commercialisation (15 femmes appuyés) agricole sur le territoire communal, aux alentours et à l’intérieur du pays.
Ce projet a également favorisé :
- le développement et l’amorce de l’autonomisation du chantier d’insertion avec l’acquisition de technologies innovantes (aménagement et équipement d’un site de compostage des déchets et d’une unité de fabrication de bio engrais et bio pesticide) ;
- la création d’un fonds de garantie au profit des projets agricoles des bénéficiaires de la PFS grâce à une dotation de 10 millions de FCFA de l’ONG ACF.
Le présent projet a permis également l’organisation d’un atelier bilan ayant regroupé une trentaine de représentants d’acteurs.
Quels changements auprès des femmes qui ont été formées ?
Le projet a favorisé un attrait des femmes diplômés ou non pour des formations agricoles innovantes et complémentaires durant toute sa durée. Les femmes diplômés ou non ont aussi intégré la chaîne de la commercialisation à différents niveaux (technico – commerciales, commerçantes, restauratrices, etc.).
Par la flexibilité de son mode opératoire (modes d’information de proximité, mode de logement résidentiel ou non sur le chantier, etc.), le dispositif PFS rassure également les femmes vivant en couple ou non dans la commune à participer à ce genre de projet.
Quels changements au sein de votre structure ?
Le dispositif PFS Yopougon s’est adapté en termes d’offres d’accueil sur le site à une plus grande participation des femmes au projet (internat mixte, etc.). Il a définitivement intégré le concept du genre pour tous ses autres programmes.
Le dispositif au niveau du chantier d’insertion s’est autonomisé au niveau financier et technique par le recrutement d’un personnel permanent au sein des jeunes formés. Il répond aux critères de financement de nombreux bailleurs.
Quels changements sur votre territoire ?
Le dispositif PFS – Yopougon est plus sollicité par les femmes qui représentent désormais plus de 60 % des demandeurs d’emplois de notre territoire. Il a la confiance des associations de femmes de notre territoire qui répondent massivement à ses activités.
La Mairie de la commune s’appuie désormais prioritairement sur la PFS pour s’adresser à toutes les questions de projets d’insertion agricole en direction des jeunes et de la population.
Les jeunes de la commune diplômés en instance de validation de leurs diplômes et ceux à la recherche de stages de professionnalisation dans les domaines de l’agriculture s’adressent prioritairement à la PFS.
Quels sont les conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?
Pour mener une telle expérience et à la lumière des leçons apprises, nous conseillons de :
- s’assurer de disposer d’un projet porté par un dispositif pérenne et adapté à la politique du genre pour l’insertion des jeunes femmes et hommes formés ;
- définir un Plan Local d’Insertion des Jeunes femmes et hommes en agriculture ;
- disposer d’un pool de partenaires administratifs, techniques, économiques et financiers notamment dans le secteur agricole ;
- garantir l’accompagnement à l’insertion des bénéficiaires formées ;
- suivre les bénéficiaires formées et insérées.
M. PIERRE CLAVER ZILE Kouassi,
Agropodologue, coordonateur
Plate Forme de Services Yopougon (PFS YOP)