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Réseau FAR

05
Nov
2020

[Paroles d’acteurs] Francine RASOLOFONIRNA / Formation Agricole et rurale à Madagascar, retours sur 15 ans d’actions

La synergie entre la Recherche – la Vulgarisation – la Formation et la Production est inexistante, c’est à ce problème qu’il faudrait remédier”. Francine RASOLOFONIRNA a été directrice de la Formation Agricole et Rurale à Madagascar jusqu’en 2019, et représentante au sein du Réseau international FAR. A l’aube de sa retraite, cette femme active et engagée revient pour nous sur la rénovation de la FAR à Madagascar ces 15 dernières années. Une hauteur de vue qui nous offre une analyse fine et des conseils précieux pour tous les acteurs de la FAR.

Francine RASOLOFONIRNA, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Gestionnaire de formation, titulaire d’une maitrise de Science en Gestion, j’ai intégré le Projet PREFTEC/Volet Agricole (Projet de Renforcement de la Formation Technique) en 1993, en tant que Responsable du Suivi Évaluation. C’était un projet financé par la Banque Mondiale, et logé au sein du Ministère de l’Enseignement Technique en son temps. C’est à ce moment que j’ai commencé ma reconversion dans le domaine de la Formation Agricole où une grande réforme du dispositif de la formation technique Agricole a démarré à Madagascar. Cette réforme s’est inscrite dans le cadre des études menées dans plusieurs pays de l’Afrique Subsaharienne dont Madagascar, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal…

La réforme menée à Madagascar, avec l’appui du Projet PREFTEC concernait le dispositif de Formation des Techniciens Agricoles, particulièrement du secteur public. A la fin du projet, j’ai été nommé, successivement en 2001 chef de Division des études sur la Formation Agricole au sein de la Direction des Ressources Humaines à laquelle la Formation des Techniciens Agricoles était rattaché, et en 2005 Chef du Service de la Formation au sein de cette même Direction. C’est en lien à cette fonction que j’ai été désignée représentante du Ministère de l’Agriculture Malagasy dans les activités FAR à l’International. En 2010, le Service de la Formation Agricole et Rurale a été créé au sein du Ministère de l’Agriculture et de l’Élevage, rattaché directement au Secrétariat Général, et j’ai été nommé Chef de ce service.

En 2014, le service de la FAR est devenu Direction de la Formation Agricole et Rurale pour marquer la volonté de l’État de faire de la FAR un levier de développement agricole, suite à l’adoption de la Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale en Conseil du Gouvernement.

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux et défis de la FAR à Madagascar ?

Les formations agricoles et rurales (FAR) n’ont pas véritablement répondu aux besoins du milieu rural et du secteur agricole, face aux enjeux actuels et futurs. Elles ont connus des problèmes d’efficacité, de déséquilibre de flux inter catégoriel (entre la formation d’Ingénieurs et la formation de Techniciens Agricoles à tous les niveaux qui devaient les accompagner, entre la formation d’Exploitants Agricoles, la formation d’Ingénieurs…), d’insuffisance en quantité et qualité.

Dans le système FAR la synergie entre la Recherche, la Vulgarisation, la Formation et la Production est inexistante.

Le Système FAR Malagasy est marqué par une très grande diversité des acteurs (Public, Privé confessionnel et Privé Laïc) avec une prédominance des acteurs privés confessionnels et l’émergence de l’informel, avec une hétérogénéité des offres/contenus de formation.

Les principaux enjeux et défis sont de monter en compétences un nombre croissant de jeunes, les préparer aux différentes mutations techniques et politiques  afin de pouvoir les insérer dans le milieu professionnel et répondre aux besoins du marché de travail, de renforcer les compétences des producteurs en activités face aux enjeux actuels et futurs, avec des disciplines de qualité…

Madagascar / Photos Réseau Far

Madagascar s’est lancé dans la rénovation de sa Formation Agricole et Rurale il y a plus de 10 ans. Qu’est-ce qui a guidé votre action ? Comment s’y prend-on pour rénover un dispositif FAR dans un pays ?

Conférence de lancement du Programme de la rénovation, à laquelle a assisté le Ministre de l’Agriculture, son Secrétaire Général et son Directeur Général

L’histoire de la rénovation du dispositif National de FAR à Madagascar a commencé depuis longtemps. La Formation Agricole a constitué une préoccupation constante pour le pays mais les efforts ont été insuffisants. Les problématiques et les bilans de la FAR durant les différentes phases de rénovation engagées restaient les mêmes mais ce sont les enjeux qui sont amplifiés.

Un état des lieux de la FAR, réalisé sous l’initiative du Ministère de l’Agriculture en 2006, a permis de faire le point sur l’ensemble des problématiques liées à la Formation Professionnelle Agricole et Rurale à Madagascar, et d’aboutir à la formulation de propositions d’orientations stratégiques pour l’élaboration de la stratégie nationale de FAR (SNFAR).

Cette SNFAR, dont le processus d’élaboration a associé toutes les parties prenantes de la FAR, vise notamment à donner un cadre général et cohérent du développement du système de FAR à Madagascar, et d’engager une rénovation concertée et coordonnée du dispositif national pour le mettre en adéquation avec les besoins actuels et futurs en faveur de la formation des jeunes et des producteurs en activité.

Une Assistance Technique Internationale fourni par l’AFD, et la mobilisation de l’expertise du Réseau FAR International nous ont aidés à mener des réflexions profondes pour la définition du processus et l’élaboration de notre programme de rénovation. FARMADA, qui regroupe les différents types d’acteurs, était l’outil et le lieu d’échange et de concertation entre les parties prenantes sur les principaux éléments de la Stratégie et de la rénovation à mettre en place.

Quelles ont été vos axes de réflexions pour réformer la formation professionnelle agricole ?

Les axes de réflexion pour réformer le dispositif national de FAR Malagasy portaient notamment sur (1) la démarche qualité en mettant en place les normes et qualité des formations, (2) sur l’unicité de la formation au niveau national autour de plusieurs points de référence dont la garantie d’un niveau de formation identique sur le territoire national à travers (i) des référentiels de métiers reconnus, (ii) une démarche harmonisée d’Ingénierie de formation et de certification (Ministère de l’Agriculture  et Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle), (iii) une formation diplômante sur les standards des diplômes Malgaches, (iv) des formations qui s’inscrivent dans un cursus permettant une poursuite de parcours scolaire (passerelle), (v) des contenus de formation professionnelle tenant compte des spécificités locales et régionales, (3) sur l’organisation des Centres et Établissements de FAR à travers (i) la remise à niveau des infrastructures et des matériels, (ii) la rénovation des statuts et des textes règlementaires régissant les Centres et Établissements, (iii) la montée en compétence des responsables et gestionnaires des centres et Établissements et (4) sur le développement d’un mécanisme d’orientation et d’appui à l’installation et l’insertion des jeunes formés dans les centres et Établissements de FAR.

Quelles ont été les actions marquantes de la FAR au cours de ces 15 dernières années ?

Parmi les actions marquantes de la FAR au cours des 15 dernières années, je peux citer entre autres :

  • l’adoption en Conseil du Gouvernement de la SNFAR ;
  • l’effectivité de FORMAPROD, un programme national (sur 10 ans) pour l’appui à la mise en œuvre de la SNFAR et de son programme de rénovation, sur financement du FIDA ;
  • la mise en place du dispositif institutionnel de pilotage du système FAR : le Conseil National de la FAR (CNFAR) avec son secrétariat exécutif et les Conseils Régionaux de FAR (CRFAR) ;
  • la mise en place de l’Équipe Nationale d’Ingénierie de FAR (ENIFAR) par arrêté Interministériel. Une équipe composée par des cadres multidisciplinaires provenant des différents Ministères en lien avec la FAR, et des formateurs en provenance d’Institutions privées confessionnelles et non confessionnelles. Les principales mission de cette équipe sont l’élaboration des référentiels nationaux de diplômes, la formation des formateurs pour la mise en œuvre des référentiels, ainsi que l’accompagnement des centres et établissements à l’application des référentiels.
  • de nouveaux référentiels nationaux de diplômes élaborés, validés et appliqués dans les centres et établissements de FAR publics ;
  • des référentiels de métiers élaborés et validés par les acteurs concernés ;
  • un dispositif public rénové, mettant l’accent sur la réorientation et l’évolution des centres et écoles rattachés au Ministère de l’Agriculture et au Ministère des Forêts avec (i) la formation initiale des futurs Exploitants et Entrepreneurs Agricole (niveau BEP) et  la formation de futurs Techniciens Agricole et Forestier (niveau BTS), (ii) l’ouverture des  Centres d’Appui et de Formation  Professionnelle Agricole (CAFPA) répartis sur le territoire National. (iii) la rénovation des statuts régissant les centres et écoles pour respecter les cadres réglementaires en vigueur.

Quelle a été la place des organisations de producteurs (OP) dans ce processus de rénovation ? Comment voyez-vous leur participation concrète et durable dans le domaine de la FAR ?

Les organisations de producteurs ont toujours été associées aux discussions et échanges dans les différentes phases du processus de rénovation du dispositif FAR Malagasy : réflexions stratégiques, validation des référentiels, etc.

Les organisations de producteurs doivent être impliquées dans tous les processus d’Ingénierie de formation et d’installation, dans la gestion des dispositifs au niveau local et régional.

Comme je disais un peu plus haut, la synergie entre la Recherche – la Vulgarisation – la Formation et la Production est inexistante, c’est à ce problème qu’il faudrait remédier si l’on veut avoir une réussite dans le développement de la FAR et une participation durable des OP dans ce domaine.

La SNFAR est aujourd’hui en cours de réactualisation. Qu’est ce qui justifie cette révision ?

L’horizon temporel de cette SNFAR est atteint. Il a été fixé à 5 ans. Par ailleurs, compte tenu de l’évolution du contexte, une réactualisation ainsi que de nouvelles orientations s’avèrent nécessaires. Certains axes stratégiques sont dépassés par le contexte, d’autres n’ont pas été tenu en compte et nécessite d’être intégrés.

L’installation des jeunes, par exemple, est un axe qui n’a pas été pris en compte dans la SNFAR 2012.

Quels conseils donneriez-vous à un pays qui souhaite se lancer dans un processus de rénovation ?

Inscrire la SNFAR dans un cadre plus large d’une politique Agricole et Rurale ; inscrire dès le départ la réforme à mener dans un programme national et s’assurer que les financements des actions à entreprendre soient là ; avoir l’adhésion des parties prenantes dans les réflexions stratégiques ; bien clarifier et bien circonscrire les Rôles de chacune des parties prenantes dans le processus de mise en œuvre de la rénovation.

Quelle a été, selon vous, la principale réussite de cette rénovation ?

La principale réussite, si je peux le dire, c’est la solidarité interministérielle dans la mise en œuvre du programme de rénovation et la forte mobilisation des acteurs dans le processus.

Assemblée Générale du Réseau FAR, 2020. Le Président et Secrétaire Exécutif du RIFAR, Pierre-Blaise Ango et Khalid Belarbi, entourés des représentantes de Madagascar Francine RASOLOFONIRNA et du Tchad Kadidja Clemence DAMBAO

Il faut reconnaitre que si nous avons été pionnier dans la mise en place de notre SNFAR en 2012, c’est en partie grâce au RIFAR qui nous a apporté son appui technique à travers les renforcements de compétences, les réflexions d’ensemble au sein de FARMADA, les échanges d’expériences entre les pays membres…

Et le principal échec ?

Une défaillance dans la communication pour mettre toutes les parties concernées en confiance ; l’insuffisance des compétences en matière d’Ingénierie de formation/d’Ingénierie des dispositifs de formation qui a engendré des hésitations dans les prises de décision ; les producteurs ne sont pas convaincus que la formation est un levier de développement, plus préoccupés par leurs infrastructures et exploitations ; un contexte contraignant compte tenu de la dualité de tutelle de la FAR (MIN AGRI et MEETFP) ; une assistance technique retirée précocement.

Si c’était à refaire ?

Éviter d’être trop méticuleuse et ne pas chercher la perfection (RIRE).

La  conviction de la grande complexité de la problématique de l’enseignement et de la formation Agricole et Rurale, et la nécessité de ne pas l’isoler de l’ensemble de la politique Agricole et du système éducatif en général apparaît comme les vrais acquis dans ce parcours de rénovation engagée à Madagascar.

Francine RASOLOFONIRNA
francilaurre@yahoo.fr

A lire également :

Séminaire FAR “Rôle et place de la SNFAR dans la rénovation des dispositifs de formation agricole et rurale”, Abidjan, 2018

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