Genre et CFAR / Retours de mission de stage #2
Adrien Safari revient d’une mission de 4 mois au Togo, où il a mené une étude comparative sur le genre dans six centres de formation agricoles au Togo, en binôme avec Elea Fournier. Elea et Adrien réalisent leurs stages de fin d’étude au sein du Réseau FAR dans le cadre du master MOQUAS (Institut Agro). Avant leur soutenance de stage, ils nous partagent leurs impressions et les premiers résultats de cette mission de terrain. #2 Échanges avec Adrien Safari.
Qu’est-ce qui t’a particulièrement marqué pendant cette mission de terrain ?
Adrien / Originaire du Rwanda, ce stage a été l’occasion de me rendre pour la première fois en Afrique de l’Ouest. Pendant mon séjour au Togo, j’ai rencontré plusieurs catégories de personnes ce qui m’a permis de découvrir la culture et la vie socio-économique des togolais. J’ai été profondément marqué par un peuple bien accueillant, partout où je passais et surtout dans les ménages ruraux au cours des entretiens.
Contrairement au Rwanda où la terre appartient uniquement aux individus ou aux familles nucléaires, dans la région centrale du Togo où j’ai passé une grande partie de mon séjour, cette ressource appartient en grande partie aux communautés ou lignages, et beaucoup d’exploitants que j’ai rencontrés accèdent à la terre par prêt ou location. Le locataire peut construire une maison d’habitation sur une propriété foncière qui ne lui appartient pas et la mettre en valeur pendant plusieurs années.
En outre, dans cette région du Togo où la polygamie est courante, les hommes et les femmes en sont fiers alors que dans mon pays, non seulement ce régime matrimonial n’est pas légalisé, mais aussi il n’est pas bien vu par la société.
Enfin, j’ai été contraint par un climat chaud et humide, où il fait chaud tout le temps même pendant la saison pluvieuse.
Quelles sont les problématiques que vous cherchez à résoudre ?
L’objectif de l’étude est d’identifier et analyser les réalisations faites par les 3 centres de formation agricole (CFAR) étudiées et l’administration centrale en charge de la FAR en matière de prise en compte des spécificités des femmes et des filles pour faciliter leur accès et maintien dans la FAR et leur insertion professionnelle après la FAR, puis identifier et analyser les principales contraintes liées à l’insertion des femmes et des filles dans la FAR. Nous sommes également appelés à proposer d’autres pistes d’amélioration de la prise en compte du genre dans la FAR au niveau de l’accès, maintien et insertion professionnelle. Les réalisations faites par les CFAR et les institutions publiques seront partagées aux autres CFAR au Togo et aux membres pays du Réseau FAR et contribuera à l’amélioration de la prise en compte du genre dans la FAR.
Pour mener cette étude, nous avons mobilisé une analyse qualitative. L’information a été collectée grâce aux entretiens individuels et focus groups et d’observations, et nous avons rencontré différents acteurs concernés par les questions du genre, de la FAR et du développement agricole. L’entrée principale de notre étude est l’apprenant (en cours de formation et sorti). Pour chaque type d’acteur, il y avait un guide d’entretien.
Peux-tu nous partager les premiers résultats de ton étude ?
Les mesures mises en place en matière de prise en compte sont différentes d’un centre à l’autre :
- Le premier centre visité, qui est public, a mis l’accent sur la suppression des frais de formations, les infrastructures (le centre dispose des toilettes propres où celles des filles sont séparées de celles des garçons, il y a de l’eau en permanence, etc.), sur l’offre de formation demandée par les filles et sur le recrutement sans concours.
- Le second centre, qui est porté par une ONG allemande, en plus du logement, nourriture et formation qui sont gratuits et la subvention mensuelle de 5000 FCFA par mois pour tous les apprenants qui y sont inscrits, il octroie une aide financière d’installation à la moitié des apprenants qui ont une bonne performance et les filles et les femmes sont prioritaires.
- Le dernier centre, il y a une réduction des frais de formation pour les filles et les femmes, ces dernières payent 25% moins que les garçons.
En ce qui concerne les contraintes liées à l’insertion des femmes et des filles dans la FAR, selon les dires d’acteurs rencontrés, l’agriculture est considérée comme une activité masculine. En effet, le travail agricole demande beaucoup de force physique, et ainsi l’agriculture est réservée aux hommes. Pour cela, ce sont eux qui contrôlent la terre et prennent les principales décisions agricoles au sein des ménages. Quant à la femme, son rôle principal concerne les travaux ménagers et intervient dans les activités agricoles pour aider l’homme dans la réalisation des tâches faciles.
Que t’a apporté cette expérience ?
Sur le plan agricole, ce stage m’a permis de comprendre une partie du contexte agricole togolais (ses défis, enjeux, méthodes de production des agriculteurs, etc.). Concernant la thématique genre, ce stage a renforcé ma prise de conscience et mes connaissances en ce qui concerne les disparités entre les sexes sur l’accès et la gestion des ressources productives, surtout dans le domaine agricole, et les conséquences qui en découlent en matière de développement socio-économique. Désireux de faire ma carrière professionnelle dans le domaine du développement agricole, en particulier en Afrique Subsaharienne où la femme joue un rôle prépondérant en agriculture, ces acquis seront un des éléments importants pour bien accomplir mes missions.
Adrien SAFARI
Stagiaire au Réseau FAR
safariadrien@yahoo.fr
Conscient de ce que la dimension du genre est primordiale pour l’efficacité de la Formation Agricole et Rurale, la gouvernance du Réseau FAR a réaffirmé dans sa stratégie 2022-2025 l’importance de cette thématique transversale. Une stratégie genre, élaborée collectivement, est en cours de construction.