L’agroécologie dans l’enseignement agricole
CEDEAO/ARAA a organisé le 27 janvier dernier un webinaire sur l’agroécologie dans l’enseignement agricole technique secondaire et l’enseignement agricole supérieur pour partager les résultats et recommandations d’une étude menée en 2022. Celle-ci a permis d’identifier 9 défis pour le développement de l’agroécologie et l’agriculture durable, traduits en une demande de 26 types de compétences. Des recommandations d’ordre institutionnel et opérationnel sont émises. En attendant sa diffusion officielle, nous vous partageons quelques éléments clés de cette étude, et le point de vue des réseaux nationaux FAR.
Une étude qui s’inscrit dans le Programme Agroécologie (PAE) de CEDEAO/ARAA
La CEDEAO avec l’appui des partenaires techniques et financiers (AFD, UE) met en œuvre depuis 2018 le Programme Agroécologie (PAE) en Afrique de l’Ouest qui couvre désormais 15 pays membres de la CEDEAO. La maitrise d’ouvrage du Programme est assurée par la CEDEAO, via l’Agence Régionale pour l’Agriculture et l’Alimentation (ARAA).
Une des composantes du programme vise à contribuer à la formation agricole et au renforcement des capacités pour l’intensification agricole durable et la promotion de l’agroécologie. La réalisation de cette étude sur « l’état des lieux de l’offre de formation agricole (enseignement technique et professionnel secondaire et enseignement supérieur) relative à l’agroécologie et l’agriculture durable dans les pays CEDEAO » dans les 15 pays de la CEDEAO, s’inscrit dans ce cadre.
La place des formations diplômantes dans la transition agroécologique
L’étude a permis d’identifier 9 défis ou enjeux majeurs pour le développement de l’agroécologie et l’agriculture durable qui ont été traduits en une demande de 26 types de compétences différentes nécessaires au développement de l’agroécologie et de l’agriculture durable. Afin de pouvoir exercer ces compétences, 8 types principaux de profils professionnels ont été identifiés (lesquels peuvent souvent se décliner en plusieurs profils/métiers spécifiques différents): (i) Technicien de terrain/vulgarisateur en agroécologie et/ou agriculture durable ; (ii) Producteur de bio-intrants, (iii) Cadre de services techniques, programmes ou projet en agroécologie / agriculture durable ; (iv) Techniciens/Spécialistes thématiques en agroécologie / agriculture durable, (v) Chercheur en agroécologie / agriculture durable (spécialisés dans différentes thématiques), (vi) Technicien / spécialiste en transition agroécologique des territoires ruraux, (vii) Technicien / spécialiste en renforcement des organisations paysannes / services d’appui / filières agricoles durables et agroécologie, (viii) Spécialiste en politique publique en appui au développement de l’agroécologie et l’agriculture durable.
Par rapport à l’offre de formation diplômante en agroécologie, l’étude a permis de mettre en évidence que les pays de la CEDEAO ne jouissent pas tous de la même manière de conditions favorables à l’agroécologie. Des pays comme le Liberia, la Gambie, la Sierra Leone manquent de dispositifs de formations en agroécologie. D’autres comme la Guinée Bissau, le Cap-Vert et la Guinée ne disposent que des formations non diplômantes. Les pays où des formations diplômantes et non diplômantes existent, sont le Nigéria, le Ghana, le Mali, le Niger, le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Quelques pays seulement, notamment le Sénégal et le Burkina Faso disposent de formations en agroécologie à différents niveaux et ont une une dynamique d’envergure nationale sur le sujet. Du point de vue du degré d’agro-écologisation, on note des formations professionnelles courtes (maximum 1 an), des formations professionnelles et du secondaire technique, des formations du supérieur « courtes » (bac + 2, 3 et 4 / bachelor) et des formations du supérieur long (bac + 5 et plus).
Enfin, l’analyse croisée de l’offre et de la demande de formation en agroécologie et en agriculture durable permet d’identifier trois (3) types de demandes qui sont encore très loin d’être satisfaites. Il s’agit des demandes de formation en techniciens de terrain/vulgarisateur en agroécologie et/ou agriculture durable et en production de bio-intrants ; des demandes de formation en techniciens et professionnels ayant une vision plus large de l’appui au développement de l’agroécologie / agriculture durable ; et des demandes de professionnels pouvant appuyer la définition et la mise en œuvre de politiques publiques de développement de l’agroécologie / agriculture durable.
Un atelier de restitution avec les praticiens
Le webinaire organisé vendredi 27 janvier 2023 a permis de débattre avec les praticiens (responsables d’établissement, responsables pédagogiques, enseignants, cadres des ministères de l’enseignement technique agricole et de l’enseignement supérieur, partenaires publics et privés, acteurs du conseil agricole, les différents bénéficiaires) des résultats de cette étude.
Quel est votre regard sur cette étude ? Le point de vue des réseaux nationaux
Seydou OUEDRAOGO, Président du réseau FAR burkinabè RNFAR-BF.
L’analyse est pertinente et reflète la réalité de l’état des lieux de l’AE, agriculture durable et de la transition agroécologique en Afrique de l’Ouest. On regrette toutefois que la formation non diplômante de l’AE n’ait pas été prise en compte. L’AE est d’abord une pratique des populations rurales paysannes au sein de leurs exploitations familiales.
La formation en agroécologie ne doit pas seulement se limiter au niveau du secondaire, des écoles et centres de formation professionnelle et du niveau supérieur, mais doit intégrer tout le système éducatif national.
Les principales recommandations de l’étude
Concevoir et opérationnaliser un observatoire régional des offres et demandes de formations diplômantes en agroécologie dans l’espace CEDEAO
Soutenir la révision des curricula des formations professionnelles et de l’enseignement technique
Promouvoir et organiser la formation des formateurs
Promouvoir des approches pédagogiques en phase avec le concept d’agroécologie
Mobiliser les réseaux d’acteurs et la recherche
Quel est votre regard sur les recommandations ? Le point de vue des réseaux nationaux
Seydou OUEDRAOGO, Président du réseau FAR burkinabè RNFAR-BF.
La fonction d’un observatoire des profils métiers est en effet primordial. Mais son efficience à l’échelle de la CEDEAO ne trouve son vrai sens que si chacun des États arrive d’abord à constituer les répertoires des métiers ASPH de son pays.
La prise en compte des dispositifs des OPA (CEF, animateurs formateurs endogènes, université paysanne du ROPPA….) dans le dispositif d’accompagnement des techniciens dans la transmission des connaissances et des savoirs doit être davantage questionnée.
Sur le plan politique/stratégie de la FAR, l’analyse n’a pas assez mis l’accent sur le caractère cloisonné de la FAR dans nos États. Chaque secteur se trouve replié sur lui-même oubliant que le secteur rural est global et qu’il cible l’Exploitant Agricole Familial (EAF). Se pose la question de la nécessité d’élaboration d’une politique multisectorielle de la FAR (qui prendrait en compte l’AE, l’agriculture durable, la gestion durable des terres…). La CEDEAO ne pourrait-elle pas concevoir un modèle cadre pour les pays membres ?
La durabilité de la formation diplômante du secondaire et supérieure est intimement liée à des mesures d’accompagnement à l’installation et l’insertion de ces jeunes formés et/ou apprenants sortis des écoles et autres centres. Cet aspect n’est pas explicité comme élément fondamental et comme recommandation à part entière.
Un autre aspect très faiblement pris en compte dans les recommandations est l’accès sécurisé aux ressources productives pour ces jeunes et ces femmes formés en AE. L’agroécologie se mènent sur les terres. Le défi actuel pour la jeunesse et les femmes est l’accès au foncier de façon sécurisée pour mener leurs activités sereinement. Une recommandation devrait être prise dans ce sens.