Le Réseau FAR, c’est quel genre ?
Un vent de changement “genre” commence à souffler sur le réseau FAR. Questionner les relations sociales et culturelles entre masculin et féminin, c’est bien, mais comment fait-on en pratique ? Quels sont les enjeux pour la formation agricole ? Comment intégrer l’aspect genre dans nos actions de réseau ? Pour quels impacts sur les jeunes filles et les jeunes hommes ? Autant de réflexions passionnantes qui s’engagent pour construire une stratégie “genre” du réseau. Partons cheminer avec Audrey Dépigny Sirvente, chargée de suivi-évaluation au réseau FAR, notre nouvelle référente genre qui a défriché le sujet. Elle partage ses premiers constats et éléments de méthodes.
Étape 1 : s’informer
Cerner les enjeux
Les femmes africaines représentent en moyenne 70% de la main d’œuvre agricole et produisent environ 60% des denrées alimentaires. Elles sont des acteurs majeurs de l’agriculture et de la sécurité alimentaire. Pourtant, elles font face à des problèmes spécifiques :
- Difficulté d’accès à la terre (elles ne détiennent que 15% des terres) ;
- Difficulté d’accès à la formation et au conseil agricole ;
- Freins dans l’accès aux ressources (crédit, rémunérations, foncier, etc).
Cela engendre une plus grande précarité des femmes, qui peut parfois aller jusqu’à la pauvreté (dans le monde, 70% des personnes vivant avec seulement 1 dollar par jour sont des femmes).
Cerner les concepts
Pour les bailleurs, ce concept fait référence à une construction sociale qui met au centre la différence entre l’homme et la femme en termes de sexe, rôle, fonctions, travail, activités, responsabilités, ressources, comportement, prise de décision…
Dans la dernière revue d’Inter-réseaux Développement rural, Grain de sel, sur les savoirs féminins, que nous vous recommandons vivement, le genre est défini comme tel : « Ce concept désigne les rôles, les comportements, les activités attribuées socialement aux femmes et aux hommes. Ils varient selon le contexte géographique, culturel, économique, politique, religieux, etc. C’est donc à la fois une construction sociale, un processus relationnel, un rapport de pouvoir, lui-même imbriqué dans d’autres rapports de pouvoir (intersectionnalité). Ces identités de genre façonnent le statut, le droit et les responsabilités des femmes et des hommes et se traduisent par des rapports de domination très majoritairement en défaveur des femmes. ».
Étape 2 : s’entourer d’experts
Notre réflexion pour aller vers une stratégie genre au Réseau FAR se nourrit de rencontres et partages de ressources avec des experts du sujet.
Le Gender Innovation Lab
Le GIL, laboratoire d’innovations sur le genre centré sur l’Afrique subsaharienne, est issu de la Banque Mondiale et a des partenariats privilégiés avec l’AFD. Il est centré sur 2 volets :
- Évaluation d’impact de projets en Afrique subsaharienne ayant un effet sur le genre ;
- Dissémination des résultats de la recherche sur le genre (pour adapter des programmes, des projets, afin de faire progresser le « genre »).
Parmi les ressources intéressantes transmises par le GIL, nous pouvons citer un policy brief sur l’accès des femmes à la formation agricole et rurale produit pour l’AFD, et un policy brief plus concis, sur les principaux enseignements de la recherche sur l’autonomisation économique des femmes dans l’agriculture (Top policy lessons in agriculture).
Le F3E
Depuis 2021, le réseau FAR est membre du F3E, un réseau rassemblant plus de 85 organisations pour améliorer les actions de solidarité internationale. Il propose et actualise différentes démarches pour analyser l’action et l’améliorer, dont l’approche genre.
Étape 3 : Faire des premiers constats dans le réseau
Jusqu’à aujourd’hui, le Réseau FAR a traité les questions de formation agricole et rural sans accorder une attention particulière aux hommes, aux femmes ou à toute minorité. Cependant, nous pensons aujourd’hui que porter une attention particulière à la question du genre dans la formation agricole pourrait améliorer notre impact sur le secteur agricole.
Aujourd’hui, l’intégration du genre est devenue une exigence centrale des bailleurs de fonds internationaux. Le Réseau FAR doit s’approprier ce thème et s’en servir pour mieux impacter les populations qu’il cible (jeunes hommes et jeunes filles), dans son domaine (l’amélioration des dispositifs de formation agricole et rurale), au service de son objectif général (agriculture viable et durable).
« Il est important que la question du genre soit intégrée dans le Réseau FAR et dans la Formation Agricole et Rurale parce qu’on doit viser l’inclusion dans tous les secteurs d’activités dans ce domaine » (Véronique Dansou, Togo).
Ce thème nous concerne tous. Hommes ou femmes, plus âgés ou plus jeunes, handicapés ou bien portants. La question du genre doit être traitée de manière transversale pour irriguer l’ensemble de nos actions.
Étape 4 : Recueillir les perceptions des membres du réseau
Dans les entretiens que j’ai réalisé avec quelques membres du réseau, j’ai senti qu’il y avait des représentations différentes du genre. Pour certains, le genre englobe toutes les minorités (femmes, handicapés, albinos, etc). Le genre pourrait même se définir par rapport à une action et son public cible, l’objectif étant de favoriser l’égalité entre tous.
Étape 5 : Repérer les initiatives vertueuses
Dans les pays membres, de nombreuses études, initiatives et projets accordent une place au genre, notamment dans le domaine de la FAR. Parmi les exemples cités, nous pouvons évoquer :
- le volet genre du projet FASAM (projet de formation agricole pour la sécurité alimentaire) au Mali. FASAM a notamment financé une étude réalisée par une consultante sur les obstacles qui empêchent les jeunes filles d’intégrer l’école :
« Résultats de l’enquête sur les contraintes rencontrées par les femmes pour une participation accrue comme étudiantes, enseignantes ou cadres dans les établissements de formation agricoles ». Cette étude a donné lieu à un atelier national puis à la construction d’un plan d’action qui est en cours de mise en œuvre. - le projet EFTPA-femmes relatif à la prise en compte du volet genre dans la FAR au Togo. 10 centres de formation agricole et rurale (CFAR) viennent d’être sélectionnés pour sa mise en œuvre. Ce projet pourrait avoir d’autres impacts, sur la SNFAR Togo par exemple.
« L’initiative d’EFTPA femmes va nous amener à intégrer la question du genre dans la SNFAR du Togo ». (Jacques AYITE, Togo).
Étape 6 : Construire ensemble
La réflexion est engagée pour définir ce que nous, au Réseau FAR, souhaitons mettre derrière le genre, comment souhaitons-nous aborder la question dans nos actions et pour avoir quels impacts sur les jeunes hommes et les jeunes filles que nous voulons accompagner pour aller vers une agriculture plus durable et viable.
Vous souhaitez vous engager sur ce sujet ? Partager des idées, des ressources ? Co-construire la stratégie genre du réseau ? Cheminons ensemble !
Mon adresse : audrey.sirvente@reseau-far.com.
Audrey Dépigny Sirvente
Chargée de suivi-évaluation et des expertises