Mali / Formation et de dissémination de l’agroécologie paysanne
[Retours d’expériences pratiques de formation des producteurs et productrices en activité] Depuis 2009, la CNOP-Mali forme des formateurs et formatrices relais paysan-ne-s en agroécologie pour les rendre acteurs du changement local. Le dispositif s’étend sur 6 régions administratives du Mali : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti et Tombouctou, et combine formation de base, formations décentralisées et formations thématiques, tout en accompagnant les dynamiques économiques engendrées.
Dans quel contexte se développe l’expérience ?
Depuis 2009, avec le soutien de ses partenaires, la CNOP s’est engagée dans un programme de promotion de l’agroécologie paysanne au Mali. A travers différentes activités dont des sessions de formation de formateurs, des formations de masse, des expériences pilotes, des rencontres thématiques, la CNOP a placé l’agroécologie au cœur de son agenda sur la stratégie de promotion et d’autonomisation de l’agriculture paysanne familiale au Mali.
L’initiative agroécologique de la CNOP porte sur la formation et la dissémination de l’agroécologie paysanne. Le principe est de former des formateurs et formatrices relais paysan-ne-s en agroécologie, en combinant formation de base, formations décentralisées et formations thématiques, et en accompagnant les dynamiques économiques engendrées.
Les formateurs/trices sont repartis entre cinq régions administratives du Mali, Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti. La CNOP envisage d’étendre l’initiative aux autres régions. Une charte sur la vision et l’engagement des formateurs et formatrice relais a été collectivement élaborée par les relais dès 2011. La formation des formateurs permet à la CNOP de se doter d’une masse critique de formateurs relais qui ont la charge d’assurer les autres types de formations (de base, thématique décentralisée).
Pour la CNOP, la promotion des femmes et des jeunes dans le secteur rural est la clé de la souveraineté alimentaire et de l’avenir du Mali. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de sa stratégie d’autonomisation des paysan-ne-s à travers l’agroécologie paysanne, ces deux publics identités sont privilégiées. La CNOP a pu fédérer les acteurs de l’agroécologie pour continuer à construire ensemble une agriculture cohérente et centrée sur les exploitations agricoles familiales au bénéfice des paysans et paysannes, des consommateurs, de l’environnement et de la biodiversité.
Quels sont les constats de départ ?
Depuis les années 1980, suite aux programmes d’ajustement structurel, l’État Malien n’est plus présent dans le conseil et la formation agricole au service des familles paysannes. Les familles paysannes en dehors de quelques cultures d’exportation sont laissées à elles-mêmes. Aucun système de recherche à la demande, orienté sur les besoins des paysans et paysannes, n’existe. De même, on constate un très faible transfert des résultats de la recherche vers les familles paysannes.
L’absence de programme de formation orienté vers les actifs de l’agriculture familiale, ainsi que l’absence d’un système d’encadrement au service de la modernisation de l’agriculture familiale, révèle le délaissement dans lequel se trouvent les communautés paysannes.
Entre la dégradation de la structure et de la fertilité des sols, les crises, la poussée démographique et le changement climatique, une transformation sociétale au niveau politique, éthique, pratique et économique était urgente.
Quelle est la zone d’intervention de l’expérience ?
Ce dispositif s’étend sur 6 régions administratives du Mali : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti et Tombouctou. Son centre de formation se situe à 140 km de Bamako dans le cercle de Yanfolila, commune de Baya et village de Kangaré.
Quels sont les objectifs visés ?
L’expérience de la CNOP a comme objectif principal la formation et la dissémination de l’agroécologie paysanne. Elle permet aux petits producteurs et productrices d’adapter leurs pratiques face au changement climatique, et d’en atténuer les effets dansle cadre de la souveraineté alimentaire.
Spécifiquement, il s’agit de dynamiser les exploitations familiales agricoles dans les terroirs par l’organisation collective du travail sur les pratiques agroécologiques. Il s’agit aussi de les sensibiliser sur les politiques publiques agricoles afin d’améliorer leurs conditions d’existence. Ainsi, ils pourront mieux défendre collectivement leurs droits paysans.
Quels étaient les acteurs principaux et leurs rôles ?
Les acteurs principaux sont entre-autres le Centre International de formation en AEP Nyéléni (directeur, responsable pédagogique, gestionnaire et personnel d’appui et les relais formateurs et formatrices).
Partenaires : la FAO pour l’accompagnement technique et financier, la Coopération Swiss, la New field fondation, la GIZ à travers le centre d’innovations vertes, SOS Faim, etc.
Pouvez-vous décrire succinctement les principales activités menées ?
Les activités principales menées sont :
- la formation de base intégrant tous les modules de formation,
- les formations thématiques décentralisées se déroulant dans les terroirs,
- des rencontres annuelles nationales et régionales pour permettre aux différents relais et la CNOP de se retrouver et faire le bilan de l’année écoulée et partager les perspectives pour l’année suivante.
C’est également l’organisation de forums nationaux et internationaux sur l’agroécologie paysanne, les plaidoyers sur plusieurs dimentions, l’élaboration et ou l’actualisation des modules de formation en agro écologie paysanne.
Photo : Ramadan Sylla / CNOP
Comment ont été identifiés les besoins en formation ?
La CNOP fédère 12 grandes organisations paysannes d’envergure nationale. Chaque année, la CNOP tient son assemblée générale (AG), événement qui permet aux producteurs et productrices à la base de faire remonter leurs préoccupations. Outre les résultats de la campagne, cet événement permet également à la coordination de partager les actualités avec la base. C’est ainsi que d’année en année, le problème de réduction des rendements ou encore la hausse des prix des intrants n’a cessé d’animer les débats lors des AG de la CNOP.
A partir de 2009, les administrateurs de la CNOP ont décidé de faire de l’agroécologie paysanne le fer de lance de l’Agriculture familiale paysanne.
Comment est financée cette expérience ?
Le financement du dispositif s’est effectué de façon progressive avec des partenaires divers. Il s’agit dans un premier temps des partenaires tels que Newfield fondation, la Coopération Swiss et la FAO, avec des financements ponctuels. Cela nous a permis d’effectuer plusieurs visites d’échanges et partages d’expérience en Afrique et sur d’autres continents. Les premiers financements ont permis la réalisation de cet état des lieux et l’organisation d’ateliers nationaux pour présenter la vision, pour regrouper les délégués paysans-paysannes membres de la CNOP à Nyéléni et pour recueillir les savoirs, savoir-faire, savoir être et savoir devenir des paysans et paysannes.
Le staff technique de la CNOP a conçu ce dispositif dans son intégralité avec les paysans et paysannes. Chaque paysan ou paysanne a participé à la mise en place du dispositif : ils ont collectivement élaborée une charte qui définit ce qu’ils/elles sont, leur vision et qui décrit leurs missions individuellement et collectivement à différentes échelles (local, national et international). Pour la durabilité, les formations des formateurs en agroécologie paysanne étaient sans per diem pour les participants.
Comment est prise en compte l’agroécologie dans les activités ?
Le dispositif est basé sur la transmission de paysans en paysans encadrés par le responsable pédagogique transversal sur l’ensemble des modules. Il comporte :
- Un curricula composé de 10 modules de formation plus digestes pour la compréhension des producteurs et productrices ;
- Des films documentaires et des vidéos tutos ;
- Des émissions radio
Notre dispositif a comme point de départ, le centre international de formation en agroécologie paysanne, où se déroulent les formations de base intégrant tous les modules et un autre service de Nyéléni mobile qui consiste à ce que l’équipe d’encadreurs descende sur terrain pour y effectuer les formations thématiques décentralisées avec 70% de pratique.
Quels sont les principaux conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?
- Il faudrait que le processus de mise en place du dispositif soit portée par les producteurs et productrices avec un accent particulier sur la souveraineté alimentaire ;
- Il faudrait aussi que le staff technique soit constitué de personnes avisées et suffisamment renseignées sur les enjeux de l’agroécologie et l’agroécologie paysanne, ainsi que sur les limites de l’agriculture conventionnelle et ses conséquences sur l’environnement et nos écosystèmes ;
- Il faudrait renforcer les structures en charge du renforcement des capacités en matière d’agroécologie paysanne et leur permettre de faire un suivi étroit ;
- Il faudrait qu’il ait une étroite collaboration entre la recherche agricole et les organisations de producteurs d’une part, et d’autre part entre la recherche et les producteurs pour faire de la recherche action, participative et inclusive pour faciliter les énoncées.
- Enfin, il faudrait qu’il ait la cohérence des politiques avec les moyens qu’il faut pour aller de la formation à l’installation collective des apprenants pour leur permettre de mettre en œuvre les connaissances apprises, éliminer les intermédiaires sur la commercialisation des produits agroécologiques.
Ramadan SYLLA, Géographe-Option Développement, Coordination Nationale des Organisations Paysannes du Mali (CNOP-Mali) Chargé de l’Agro Ecologie Paysanne, Responsable pédagogique au Centre International de formation en AEP Nyéléni (CIFAN)