Niger / Animer des champs-écoles agropastoraux pour former à l’agroécologie

Dans le cadre de la mise en œuvre du Portefeuille Thématique Climat Sahel – volet Niger (PTCS-N), l’agence belge de développement Enabel cherche à promouvoir les pratiques agroécologiques dans les exploitations agricoles familiales, à travers l’animation de Champs Écoles Agro-Pastoraux (CEAP). Cette approche innovante intègre productions végétales et animales, et favorise la co-construction de solutions durables avec les communautés rurales pour une agriculture plus résiliente face aux défis climatiques. Zoom sur ce dispositif et sur les pratiques enseignées.

L’évolution de l’approche CEP à l’approche CEAP. Ce qu’il faut savoir

Les champs-écoles agropastoraux (CEAP) sont une évolution des champs-écoles paysans (CEP) pratiqués au Niger depuis les années 2000 par différents projets et programmes afin d’accompagner les producteurs à trouver des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent dans les productions végétales. Les CEP sont essentiellement focalisés sur les productions végétales ; or les producteurs gèrent pour la plupart des exploitations qui fonctionnent en système, intégrant les productions végétales aux productions animales et aux autres activités génératrices de revenus en s’adaptant aux changements en milieu rural. L’approche CEAP a été développée pour prendre en compte cet aspect systémique de l’exploitation agricole. Le champs-école agropastoral est au cœur de l’exploitation agricole des producteurs ruraux, il intègre les productions végétales et les productions animales de ces derniers.

L’approche méthodologique des CEAP est identique à celle des CEP. Mais, le CEAP en plus des cultures, prend en compte l’animal et le pâturage et leur environnement.

Un champ école agropastoral est une école « sans mur », un cadre de rencontre et de formation pour un groupe de 25 à 32 producteurs qui se déroule dans une exploitation (un champ ou une ferme). C’est un lieu d’échange d’expériences et de connaissances où des producteurs qui partagent les mêmes intérêts, recherchent, discutent et prennent des décisions sur la gestion de leurs exploitations en partant de sa situation réelle. Guide facilitateur CEAP, 2ème édition, décembre 2021

Comment les activités des CEAP ont-elles été co-construites avec la communauté rurale dans le cadre du PTCS-Niger ?

L’approche de mise en œuvre des activités du PTCS – Volet Niger repose sur le faire-faire, avec le recrutement d’opérateurs privés de services par Enabel pour conduire les activités.

• Des structures privées de service-conseil ont ainsi été sélectionnées à Tahoua et Dosso pour conduire et animer des CEAP dans les zones d’interventions du projet ;
• Les services déconcentrés de l’Agriculture, Élevage et l’Environnement de l’État assurent le suivi dans la mise en œuvre des activités.

Les champs-écoles agropastoraux sont conduits en saison d’hivernage et pendant la période des cultures irriguées selon le calendrier ci-après.

Calendrier des principales activités des producteurs de la zone d’intervention

Conformément à la démarche pour installer un CEAP, une enquête exploratoire est réalisée dans chaque village cible. Cette enquête vise à identifier les principales contraintes des activités agricoles et d’élevages de la communauté en présence d’un facilitateur. Ces contraintes énumérées sont priorisées et celles qui peuvent être résolues dans les CEAP sont retenues, classées par saison. Ainsi les conditions pour mettre en place un CEAP sont nées de ce diagnostic, de même que les participants aux CEAP, qui doivent avoir des contraintes similaires à résoudre dans leurs exploitations. Les critères de choix du site d’installation du CEAP se discutent également avec les participants, c’est un membre de la communauté qui doit octroyer le terrain remplissant les conditions afin d’installer le site du CEAP. Un comité de gestion du site est mis en place, de même que l’élaboration des règles régissant la gestion du site durant la période de la formation.

Comment les pratiques agroécologiques ont-elles été enseignées aux apprenants sur les CEAP durant la campagne culture irriguée 2024-2025 ?

Pendant les campagnes de production (cultures d’hivernage et cultures irriguées 2024-2025) :

• 22 champs-écoles agropastoraux ont été installés dans la zone d’intervention du projet
• 681 apprenants ont participé aux champs-écoles agropastoraux durant les deux campagnes de production, dont 298 femmes soit 43 % des participants.

Les principales contraintes identifiées lors des enquêtes exploratoires sont :

• pour les productions végétales, la baisse de la production du chou et de l’oignon, qui est liée aux attaques des ennemis des cultures dans la majorité des villages, et les brûlures de feuillage d’oignon, communément appelées « attaque de rosée ».
• pour les productions animales, les principales contraintes identifiées sont, pour la volaille, l’occurrence de la maladie de Newcastle, et pour l’élevage, la faible valorisation des résidus des cultures ainsi que l’engraissement lent des animaux d’embouche dans la plupart des villages.

Il été co-construit avec les participants des protocoles qui pourraient contribuer à résoudre les contraintes retenues :

• pour les cultures de l’oignon et du chou, des mesures de lutte préventives par l’application de cocktail de biopesticides à base de produits locaux (feuilles de neem, feuilles de tabac, fruits de piment, etc.) ont été retenues et appliquées pour prévenir les attaques. Quatre types de densité de plantation ont été testés afin de prévenir la rosée.
• pour le bétail, l’accent a été mis sur la formation des apprenants pour fabriquer des blocs multi-nutritionnels densifiés pour l’alimentation des animaux d’embouche et la mise en place d’un protocole par rapport à la conduite de l’embouche (du choix de l’animal à la vente). Les paramètres de mesure, définis avec les apprenants ont été retenus pour suivre les différents traitements pendant la durée du CEAP. Ces paramètres sont des indicateurs d’appréciation des résultats des traitements pour les apprenants, ainsi une fois par semaine durant le CEAP, des séances d’observations sont effectuées, les mesures des paramètres sont effectuées par les apprenants en sous-groupe.

 

L’organisation des CEAP est telle que chaque sous-groupe doit s’organiser pour encourager la participation de l’ensemble des membres dans l’observation rigoureuse des cultures, animaux, la collecte de données simples et systémiques pour l’évaluation de la croissance et l’analyse des expérimentations, l’analyse des résultats observés sur les parcelles et les animaux et de la compilation du rapport dans un graphique. La présentation des rapports des sous-groupes, les discussions en groupe, les prises de décisions collectives favorisent la co-création et le partage des connaissances au sein des CEAP.

L’enseignement des sujets spécifiques, tels que la production et l’utilisation du compost à base des matières organiques localement disponibles, la gouvernance des organisations paysannes, la promotion d’épargne et de crédit au niveau communautaire pour développer les activités génératrices de revenus, a aussi constitué un moment fort d’échanges entre apprenants pendant la durée des CEAP.

DAN MARAFA Boubacar
Réseau National des Chambre d’Agriculture du Niger
Diplômé MIFAR

KANGNIVI Akpenemawu Ayi Ekue
Expert en Agroécologie Portefeuille Thématique Climat Sahel (PTCS) – Volet Niger