[Paroles d’acteur] Autonomisation des femmes : formation et mentorat en Afrique francophone
“Grâce aux sessions de mentorat et de coaching, les femmes ont développé une confiance en elles accrues et des compétences en leadership.” Entre 2016 et 2020, une initiative novatrice, soutenue par la FAO, a été mise en œuvre dans plusieurs pays, dont le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Son objectif : renforcer les compétences des femmes agricultrices à travers des formations pratiques, un mentorat personnalisé et des réseaux de soutien. Cet article explore les résultats de cette expérience transformative, les impacts sur les communautés locales, et les leçons à tirer pour l’avenir.
Dans quel contexte se développe l’expérience ?
L’Afrique francophone, notamment au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, et au Bénin, fait face à des défis importants en matière d’accès des femmes à la formation agricole et à l’insertion professionnelle. Les femmes, bien qu’elles jouent un rôle crucial dans la production agricole, rencontrent des barrières socioculturelles, économiques et structurelles qui limitent leur potentiel. Les activités antérieures ont révélé un manque de formation adaptée, d’accès aux ressources et de soutien institutionnel pour les femmes dans ces régions.
L’expérience a été initiée en collaboration avec la division de la nutrition et des systèmes alimentaires de la FAO, afin de répondre à ces défis. Cette initiative vise à renforcer les capacités des femmes en agriculture à travers des programmes de formation pratique, de mentorat personnalisé et de mise en réseau. L’objectif est de créer un environnement favorable où les femmes peuvent acquérir des compétences, accéder à des ressources financières et techniques, et jouer un rôle central dans le développement agricole durable de leurs communautés.
Quelle est la période et la zone d’intervention de l’expérience ?
Ce projet a été mis en œuvre entre 2016 et 2020 dans plusieurs zones et pays d’Afrique francophone, notamment au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, et au Bénin.
Quels sont les acteurs principaux et leurs rôles ?
Dans le cadre de cette initiative, plusieurs acteurs clés ont collaboré pour soutenir l’autonomisation des femmes en agriculture :
- FAO – Division de la Nutrition et des Systèmes Alimentaires : Principal financier du projet, la FAO apporte un soutien financier et technique crucial. Elle supervise l’alignement du projet avec les objectifs globaux de développement agricole durable ;
- Université Senghor à Alexandrie en Égypte : En tant qu’entité responsable de la mise en œuvre sur le terrain, l’université coordonne les activités de formation, de mentorat et de réseautage. Elle assure également le suivi et l’évaluation des impacts des interventions ;
- Partenaires techniques locaux : Organisations non gouvernementales et institutions de recherche locales fournissent un appui technique spécialisé dans les domaines agricoles et de genre. Ils facilitent l’accès aux ressources et le développement des compétences pratiques des femmes ;
- Gouvernements nationaux : Ils jouent un rôle de soutien en facilitant les partenariats communautaires et en créant un environnement politique favorable à l’égalité des genres et au développement agricole inclusif.
Ces acteurs entretiennent des relations synergiques, collaborant étroitement pour maximiser l’impact du projet et garantir une approche holistique et durable pour l’autonomisation des femmes en agriculture dans les pays d’Afrique francophone.
Quelles sont les principales activités menées ?
Cette initiative a mis en œuvre un ensemble d’activités stratégiques dans divers pays et lieux pour atteindre ses objectifs ambitieux :
Formations Pratiques et Théoriques
- Organisation de sessions intensives à Dakar (Sénégal) et Ouagadougou (Burkina Faso), combinant apprentissage théorique et pratique sur les techniques agricoles adaptées ;
- Formation avancée sur la gestion des cultures vivrières à Abidjan (Côte d’Ivoire) et sur l’élevage durable à Bamako (Mali).
Mentorat Personnalisé
- Assignation de mentors expérimentés à Thiès (Sénégal) et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) pour un accompagnement individuel de chaque participante ;
- Séances régulières de coaching à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) pour renforcer les compétences personnelles et professionnelles des femmes.
Création de Réseaux et Partenariats
- Organisation de rencontres avec des leaders communautaires à Lomé (Togo) et des experts agricoles à Niamey (Niger) pour élargir les réseaux professionnels ;
- Établissement de partenariats avec des entreprises agricoles à Cotonou (Bénin) pour faciliter l’emploi et l’investissement dans l’agriculture.
Accès aux Ressources Financières et Techniques
- Accompagnement dans l’accès aux crédits agricoles à Lusaka (Zambie) et aux subventions à N’Djamena (Tchad) pour soutenir le développement entrepreneurial des participantes ;
- Formation sur l’utilisation des technologies agricoles à Antananarivo (Madagascar) et des pratiques agronomiques durables à Brazzaville (République du Congo).
Éducation et Sensibilisation Communautaire
- Campagnes de sensibilisation à Bujumbura (Burundi) pour promouvoir l’égalité des genres et l’engagement des femmes dans l’agriculture ;
- Organisation d’ateliers communautaires à Bangui (République centrafricaine) pour partager les succès et les défis des femmes participantes dans le projet.
Ces actions ont été conçues pour surmonter les défis structurels et culturels spécifiques à chaque contexte local, visant à créer un environnement propice où les femmes peuvent non seulement survivre mais aussi prospérer dans le secteur agricole, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la croissance économique durable des communautés locales.
Quels résultats avez-vous obtenu ?
L’initiative pour l’autonomisation des femmes en agriculture en Afrique francophone a abouti à des résultats significatifs et mesurables :
Participation et Impact
- Plus de 1 200 femmes ont participé aux programmes de formation dans les pays ciblés ;
- Environ 85% des participantes ont amélioré leurs compétences techniques et managériales, contribuant à une augmentation notable de leur productivité agricole.
Mentorat et Accompagnement
- 250 mentors ont été assignés pour un accompagnement personnalisé, permettant un suivi régulier et un soutien individualisé ;
- Les sessions de coaching ont conduit à une augmentation de 70% du taux de rétention des participantes dans les activités agricoles.
Réseaux et Partenariats
- Plus de 100 rencontres et événements de réseautage ont été organisés, facilitant l’échange de connaissances et le développement de partenariats ;
- Des partenariats solides ont été établis avec 50 entreprises locales et internationales, offrant des opportunités d’emploi et de financement.
Accès aux Ressources
- Plus de 300 femmes ont obtenu des crédits agricoles pour développer leurs activités, grâce à des accords avec des institutions financières locales ;
- Des équipements modernes ont été installés dans 20 centres de formation répartis dans les pays participants, améliorant ainsi la qualité des formations pratiques.
Éducation et Sensibilisation
- Des campagnes de sensibilisation ont touché plus de 5 000 membres de communautés locales, contribuant à un changement progressif des mentalités sur le rôle des femmes en agriculture ;
- 30 ateliers communautaires ont été organisés pour partager les succès et les défis, renforçant ainsi l’engagement communautaire.
Ces résultats démontrent l’impact positif de l’initiative sur l’autonomisation des femmes en agriculture, contribuant à la sécurité alimentaire, à l’égalité des genres et au développement économique durable dans les pays d’Afrique francophone.
Quels changements auprès des femmes qui ont été formées ?
L’initiative a engendré des changements significatifs auprès des femmes formées :
Amélioration des compétences techniques et managériales
- Les femmes ont acquis des compétences techniques avancées en agriculture, leur permettant d’augmenter la productivité de leurs exploitations ;
- Des compétences en gestion et en entrepreneuriat ont été développées, favorisant une meilleure gestion des ressources et des activités agricoles.
Autonomisation économique
- L’accès aux crédits agricoles et aux subventions a permis à de nombreuses femmes de lancer ou d’élargir leurs activités agricoles, améliorant ainsi leur indépendance financière ;
- Les revenus générés par ces activités ont contribué à améliorer les conditions de vie des familles et des communautés.
Renforcement du leadership
- Grâce aux sessions de mentorat et de coaching, les femmes ont développé une confiance en elles accrues et des compétences en leadership ;
- Plusieurs participantes ont pris des rôles de leadership dans leurs communautés, influençant positivement les pratiques agricoles et les politiques locales.
Changement de perceptions communautaires
- Les campagnes de sensibilisation ont aidé à modifier les perceptions communautaires sur le rôle des femmes en agriculture, réduisant les barrières socioculturelles ;
- Les femmes sont désormais vues comme des acteurs clés du développement agricole, favorisant une plus grande acceptation et support de la part des communautés.
Ces changements ont non seulement amélioré les conditions de vie des femmes formées, mais ont aussi contribué à la transformation socio-économique des communautés rurales en Afrique francophone.
Quels changements au sein de votre structure ?
L’initiative a apporté des transformations profondes au sein de notre structure :
Renforcement des capacités organisationnelles
- Nous avons développé des compétences internes en gestion de projets complexes et en formation agricole spécialisée, ce qui a renforcé notre capacité à concevoir et mettre en œuvre des initiatives de grande envergure dans des régions comme Thiès (Sénégal) et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) ;
- L’adoption de nouvelles technologies et méthodes pédagogiques a amélioré l’efficacité de nos programmes de formation et de mentorat.
Expansion des réseaux et partenariats
- Notre réseau de partenaires s’est considérablement élargi, incluant désormais des institutions financières, des entreprises agricoles, des organisations non gouvernementales et des agences gouvernementales dans des lieux tels que Cotonou (Bénin) et Niamey (Niger), augmentant ainsi notre portée et notre impact ;
- Les partenariats établis ont permis de mobiliser davantage de ressources financières et techniques, facilitant la mise en œuvre de futurs projets.
Amélioration des processus et pratiques
- Nous avons intégré des pratiques de suivi et d’évaluation plus rigoureuses, permettant une meilleure mesure de l’impact de nos interventions et une optimisation continue de nos stratégies ;
- L’expérience acquise a conduit à l’élaboration de protocoles et de guides de formation standardisés, qui peuvent être répliqués dans d’autres contextes et régions comme Abidjan (Côte d’Ivoire) et Bamako (Mali).
Renforcement de l’engagement en matière de genre
- L’initiative a consolidé notre engagement envers l’égalité des genres, intégrant des perspectives de genre dans toutes nos activités et projets futurs ;
- Des formations en genre ont été dispensées à l’ensemble de notre personnel à Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo), augmentant la sensibilité et la compétence de l’équipe sur ces questions cruciales.
Ces changements ont non seulement renforcé notre structure, mais ont également posé les bases d’une croissance durable et d’un impact accru dans nos efforts de développement agricole en Afrique francophone.
Quels changements sur votre territoire ?
L’initiative a eu un impact significatif sur les territoires où elle a été mise en œuvre :
Amélioration de la productivité agricole
- Dans des régions comme Thiès (Sénégal) et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), les techniques agricoles améliorées ont conduit à une augmentation notable des rendements des cultures et de l’élevage ;
- Les nouvelles pratiques de gestion durable ont aidé à préserver les ressources naturelles et à garantir une production alimentaire stable.
Autonomisation économique des femmes
- À Abidjan (Côte d’Ivoire) et Bamako (Mali), les femmes formées ont pu créer et développer des entreprises agricoles, stimulant l’économie locale et réduisant la pauvreté ;
- L’accès à des crédits et subventions a permis à de nombreuses femmes de devenir des entrepreneures prospères, contribuant ainsi à l’économie régionale.
Renforcement des communautés rurales
- Les réseaux de soutien et les partenariats créés ont renforcé les liens communautaires à Cotonou (Bénin) et Niamey (Niger), facilitant la coopération et l’entraide entre les agriculteurs ;
- Les ateliers et campagnes de sensibilisation ont conduit à une plus grande acceptation et valorisation du rôle des femmes dans l’agriculture.
Changements socio-culturels
- À Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo), les perceptions traditionnelles sur le rôle des femmes ont évolué, avec une reconnaissance accrue de leur contribution essentielle au développement agricole ;
- L’implication des femmes dans les décisions locales a renforcé leur position et leur influence au sein des communautés.
Ces changements ont contribué à transformer positivement les territoires concernés, en améliorant la productivité agricole, en autonomisant économiquement les femmes, en renforçant les communautés rurales et en provoquant des évolutions socio-culturelles bénéfiques.
Quels sont les conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?
- Impliquer les communautés locales dès le début
- Conseil : Assurez-vous d’impliquer les leaders communautaires et les membres clés de la communauté dès le début du projet. Cela favorise l’acceptation et la participation active des bénéficiaires.
- L’implication locale garantit que les initiatives sont adaptées aux besoins et aux réalités spécifiques des communautés, comme cela a été fait à Thiès (Sénégal) et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso).
- Fournir un accompagnement personnalisé
- Conseil : Offrez un mentorat et un coaching individualisé pour chaque participante, afin de répondre à ses besoins spécifiques et soutenir son parcours de manière continue.
- Un accompagnement personnalisé, comme celui réalisé à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), renforce la confiance et les compétences des femmes, augmentant ainsi leurs chances de succès.
- Établir des partenariats stratégiques
- Conseil : Développez des partenariats avec des institutions financières, des entreprises locales et des organisations non gouvernementales pour mobiliser des ressources et créer des opportunités d’emploi.
- Des partenariats solides, comme ceux établis à Cotonou (Bénin) et Niamey (Niger), fournissent le soutien nécessaire pour surmonter les défis financiers et techniques.
- Intégrer des pratiques de suivi et d’évaluation rigoureuses
- Conseil : Mettez en place des mécanismes de suivi et d’évaluation rigoureux pour mesurer l’impact des interventions et ajuster les stratégies en fonction des résultats.
- Des pratiques de suivi efficaces, comme celles utilisées à Abidjan (Côte d’Ivoire) et Bamako (Mali), permettent d’assurer la qualité et la pertinence des actions menées.
- Sensibiliser et éduquer sur l’égalité des genres
- Conseil : Organisez des campagnes de sensibilisation et des formations sur l’égalité des genres pour changer les perceptions et réduire les barrières socioculturelles.
- La sensibilisation communautaire, comme à Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo), est essentielle pour créer un environnement favorable où les femmes peuvent s’épanouir en agriculture.
Ces conseils, basés sur les leçons apprises et les défis rencontrés, visent à maximiser l’impact des initiatives d’autonomisation des femmes en agriculture et à contribuer à un développement agricole durable et inclusif.
Ressources complémentaires
Rapports et documents officiels
- FAO. (2019). Favoriser l’autonomisation des femmes pour renforcer l’agriculture Rome
- FAO (2016-2020). L’autonomisation économique des femmes dans l’agriculture en Afrique subsaharienne. Washington, D.C.
- Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). (2011). Les femmes dans l’agriculture : Clés pour la sécurité alimentaire et le développement rural. Rome.
Articles scientifiques
- Beriso, G., Amare, A., & Eneyew, A. (2023). Women empowerment in agricultural activities and its impact on farming household food security: The case of Anna Sorra District, Guji Zone, Oromia regional state, Ethiopia. Cogent Food & Agriculture, 9(2).
- Dar MH, Waza SA, Nayak S, Chakravorty R, Zaidi NW, Hossain M. Gender focused training and knowledge enhances the adoption of climate resilient seeds. Technol Soc. 2020 Nov;63:101388. doi: 10.1016/j.techsoc.2020.101388. PMID: 33250546; PMCID: PMC7677893.
Ouvrages
- Agarwal, B. (2017). A field of one’s own: Gender and land rights in South Asia. Routledge.
- FAO. (2016). The state of food and agriculture: Climate change, agriculture and food security. Rome.
- Sen, A. (1999). Development as freedom. Oxford University Press.
Lassaad HEDHILI
Formateur, Université Senghor
Alexandrie, Égypte
lassaad.hedhili@ipeim.u-monastir.tn