[Paroles d’acteur] Burkina Faso / Agro Boot Camp d’Incubation
“Nous avons pris conscience de l’importance de promouvoir l’égalité des genres dans nos actions : soutenir les femmes à un impact positif sur leur famille, leur communauté et l’économie locale.” L’association Béo-Nèeré Agroécologie propose depuis 2017 des camps de formation en agroécologie et en entrepreneuriat qui s’adresse aux jeunes, et notamment aux filles mères. A travers des actions de formation et d’accompagnement à l’installation (concours de pitch, mentorat, dotation de kits), ce sont plus de 380 jeunes filles âgées d’environ 21 ans qui ont participé à cette initiative depuis le lancement. Un projet qui a permis à l’association d’offrir des services adaptés aux filles tout en renforçant leur impact en matière de promotion de l’agroécologie.
Dans quel contexte se développe l’expérience ?
L’initiative dans ces régions répond à plusieurs constats. D’abord, la formation académique ne correspond pas aux besoins du marché de l’emploi, laissant les jeunes mal préparés alors qu’un marché actif dans l’agriculture et ses chaînes de valeur offre des opportunités sous-exploitées. Aussi, les jeunes filles sont peu représentées dans ce secteur, limitant leur contribution. Le projet vise aussi à promouvoir l’agroécologie au Burkina Faso, face à la dégradation des terres et à la nécessité d’une gestion durable des ressources naturelles.
L’agriculture représente 45 % du PIB, avec une population majoritairement rurale. Selon le 5e RGPH de 2019, les femmes constituent 51,7 % de la population et 77,9 % de cette population a moins de 35 ans. Il est crucial de renforcer les compétences des jeunes filles, issus ou non des Centres de formation professionnelle rurale (CPR) par des formations pratiques pour répondre aux besoins du marché et pour combattre le chômage.
Quelle est la période et la zone d’intervention de l’expérience ?
Le projet d’Agro Boot Camp d’Incubation a débuté en 2017 et se poursuit jusqu’à nos jours avec au total 19 éditions organisées. Il se développe dans plusieurs régions du Burkina Faso : la région de la Boucle du Mouhoun (Dédougou), la région des Haut Bassin (Bobo-Dioulasso), la région des Cascades et la région du Centre.
Quels sont les acteurs principaux et leurs rôles ?
- GIZ Pro Emploi, partenaires technique et financier du projet ;
- Terre et Humanisme a contribué également en tant que partenaire technique et matériels ;
- L’association Beo-Neere Agroécologie (ABNA) a initié et assuré la mise en œuvre des projets, apportant son expertise dans la formation professionnelle des bénéficiaires (production animale, végétale, bio-intrants, transformation agroalimentaire et entrepreneuriat ;
- l’association Mil’Ecole, a contribué à la réalisation des infrastructures pour les jeunes filles (logements et latrines) ;
- Les institutions de microfinance (IMF), le ministère de la jeunesse, et les autorités communautaires jouent un rôle crucial en facilitant et en soutenant continuellement les activités des jeunes bénéficiaires.
- Les centres de formation professionnelle ruraux (CPR) et le Réseau des Jeunes Agripreneurs fournissent les infrastructures nécessaires pour la formation des bénéficiaires. Ces divers acteurs collaborent et coordonnent leurs efforts pour garantir le succès et l’impact positif du projet sur les bénéficiaires.
Quelles ont été les principales activités menées ?
L’expérience a consisté à initier les participants à l’agroécologie et à l’économie sociale et solidaire (ESS) à travers des formations variées. Celles-ci ont porté sur des thématiques comme la production végétale, la rotation des cultures, la fabrication de bio-intrants, l’utilisation de compost organique, la gestion intégrée des ravageurs visant à réduire la dépendance aux produits chimiques, augmenter la productivité et favoriser une alimentation saine, la transformation agroalimentaire (Chaine de Valeur Ajoutée tomate, Neere, Balanites, etc), ainsi que sur l’élevage agroécologique. L’objectif était de promouvoir des pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement.
Parallèlement, des formations en entrepreneuriat agricole ont renforcé les compétences des participantes en gestion d’exploitation agricole, rédaction de Business Model Canvas, techniques de communication et développement personnel.
Pour soutenir ces formations, un appui matériel a été fourni aux participants afin de les aider à mettre en pratique les techniques acquises et/ou renforcer leurs exploitations agricoles.
Enfin, une mise en réseau a été organisée pour favoriser les échanges d’expériences entre les participantes, encourager la solidarité et promouvoir la diffusion des bonnes pratiques au sein du territoire.
Quels résultats avez-vous obtenu ?
L’initiative a permis d’organiser environ 12 concours de pitch, offrant aux participantes la possibilité de présenter leurs idées de projets devant un jury et un public, afin de récompenser les meilleures porteuses de projets innovants.
En plus, des ateliers de mise en relation ont été organisés pour permettre aux jeunes filles de rencontrer des mentors, des experts du secteur agricole et d’autres acteurs clés. Ces rencontres ont favorisé la création de partenariats et facilité les échanges d’expérience pour le développement de leurs projets.
Une dotation de kits agricoles a été faites afin de les soutenir dans la concrétisation de leurs projets agricoles. Ces kits comprenaient le matériel et les outils nécessaires pour démarrer ou développer leurs activités agricoles.
Cette initiative a permis de valoriser le travail des jeunes filles dans le secteur agricole, les encourageant à entreprendre et renforçant leurs compétences. Depuis son lancement :
- Ces initiatives ont touché plus de 380 jeunes filles âgées d’environ 21 ans. Plus de 100 jeunes filles ont été formées dans la production végétale, 200 dans la transformation agroalimentaire, et 80 dans l’élevage.
- Plus d’une centaine ont été soutenues et installées dans leurs entreprises.
- Environ 30 % des incubées ont réussi à formaliser leurs entreprises et fonctionne en réseau.
- En outre, une cinquantaine a pu bénéficier de prêts pour développer leurs activités.
- Collectivement, les bénéficiaires créent plus de 150 emplois directs.
Quels changements auprès des femmes qui ont été formées ?
Les femmes formées ont constaté une augmentation de leurs revenus grâce à la création d’activités génératrices de revenus (AGR) telles que la production et la vente de bio-intrants, ainsi que le maraîchage et ses chaînes de valeur. Cela a significativement amélioré leur niveau de vie ainsi que celui de leur famille. En créant des emplois, elles ont contribué à dynamiser l’économie locale.
De plus, elles ont pu accéder à des soins de santé et à une alimentation plus saine. Grâce à leur autonomie financière retrouvée, elles ont également regagné un sentiment de dignité et d’estime de soi. Personnellement et professionnellement, ces femmes ont pu s’épanouir. Elles contribuent activement au développement de leur communauté à travers des initiatives communautaires.
Quels changements au sein de votre structure ?
Lors de ce projet, nous avons pris conscience de l’importance de promouvoir l’égalité des genres dans nos actions ; soutenir les femmes à un impact positif sur leur famille, leur communauté et l’économie locale. Les femmes jouent un rôle central dans la dynamisation de l’économie et la promotion du développement durable.
Ces constats nous ont amenés à renforcer notre engagement en faveur de l’égalité des genres. Ainsi nous avons intégré les enjeux liés aux femmes dans nos projets, cela contribuera à améliorer la situation des femmes et renforcer la cohésion sociale. Nous veillons à promouvoir l’inclusion des femmes dans tous les domaines.
Ce projet, nous a permis d’offrir des services adaptés, tout en renforçant notre impact en matière de promotion de l’agroécologie.
Quels changements sur votre territoire ?
L’accès des jeunes filles à un emploi décent a entraîné une augmentation significative de leurs revenus, renforçant leur indépendance économique et leur capacité à subvenir à leurs besoins.
Leurs engagements en faveur de l’agroécologie contribuent à la lutte contre le changement climatique en préservant la biodiversité et en réduisant leur empreinte carbone à travers les actions d’adaptation et d’atténuation.
Ces avancées ont également un impact positif sur la réduction des violences basées sur le genre, en renforçant leur autonomie et en les protégeant des discriminations.
Globalement, ces changements témoignent d’une évolution positive sur les plans social, économique et environnemental. Ils contribuent à la construction d’une société plus juste et égalitaire, favorisant l’épanouissement des jeunes filles et leur participation active au développement durable.
Quels sont les conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?
- Établir les critères d’éligibilité des bénéficiaires. Il est crucial de définir clairement les critères d’éligibilité pour garantir que les personnes les plus indiquées puissent bénéficier de l’expérience.
- S’appuyer sur les acteurs locaux pour la sélection des bénéficiaires. Il est important de collaborer avec les acteurs locaux tels que les autorités locales, pour identifier les bénéficiaires les plus appropriés. Ces acteurs ont une connaissance approfondie des réalités locales et peuvent aider à garantir que les bénéficiaires sont bien choisis.
- Tenir compte des filles mères lors des séances de formations. Il est essentiel de prendre en compte les besoins spécifiques des filles mères lors de la conception et de la mise en œuvre des séances de formation. Il est important de fournir un soutien supplémentaire, tel que des services de garde d’enfants ou un accompagnement personnalisé, pour s’assurer que ces bénéficiaires puissent pleinement tirer parti de l’expérience.
- Être proche des bénéficiaires et renforcer le réseautage entre eux. Il est essentiel d’établir une relation de confiance avec les bénéficiaires et de créer un environnement inclusif et sécurisé. Encourager le réseautage entre les bénéficiaires peut favoriser
Reine Bernice Adjaratou YARO
Assistante Coordinatrice
Association Béo-Nèeré Agroécologie (ABNA)
reineyaro@beoneere-agroecologie.bf
Abdoul Razack BELEMGNEGRE
Coordinateur Général
Association Béo-Nèeré Agroécologie (ABNA)