[Paroles d’acteurs] Malick Sow, acteur de la transition agroécologique au Sénégal
“Le système agricole sénégalais admet aujourd’hui que les pratiques agroécologiques offrent des solutions pour faire face à l’insécurité alimentaire et à l’épuisement des écosystèmes“. Malick Sow est un technicien passionné convaincu de la pertinence de l’agroécologie comme solution de l’agriculture du futur. Son entreprise communautaire Agrosol est spécialisée dans le renforcement des compétences en agroécologie. A travers ses démarches de recherche-action pour obtenir des plants robustes et sains en pépinière maraîchère, il témoigne du changements opéré ces dernières années en matière d’agroécologie au Sénégal, et notamment de son intégration au sein des formations agricoles, à destination des jeunes et des productrices.
En tant qu’acteur de changement, je suis porteur d’un concept novateur basé sur la recherche-action et la co-validation de connaissances à partir d’un processus d’apprentissage pratique.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Malick Sow, technicien supérieur horticole de formation et passionné de la recherche sur les pratiques endogènes. J’ai une expérience professionnelle de plus de 20 ans de terrain dans divers programmes et organisations de développement au Sénégal.
Convaincu en tant que technicien praticien de la pertinence de l’agroécologie comme solution de l’agriculture du futur, j’ai créé depuis 2020 une entreprise communautaire dénommée Agrosol qui s’est donné comme objectif de promouvoir l’adoption de l’agriculture durable et le partage de connaissances techniques et méthodologiques agricoles, adaptées aux différents contextes sénégalais.
Je suis également membre de l’équipe des Maitres Formateurs certifiés en agriculture écologique biologique dans le cadre du projet (Centre de Connaissance de l’Agriculture Biologique en Afrique de l’Ouest KCOA) et aussi membre du comité national de validation des connaissances scientifiques et endogènes du même projet.
Quel regard portez-vous sur les changements opérés ces dernières années en matière d’agroécologie au Sénégal ?
On note de plus en plus des changements tant dans les modes de production et de consommation que dans les mentalités, et ce à plusieurs échelles. Il y a aujourd’hui une prise de conscience des producteurs sur le fait que les perturbations dans l’agriculture ne sont autres qu’une conséquence des changements climatiques et bien sûr de l’effort de tous les acteurs qui interviennent dans la promotion de l’agroécologie comme solution à ces problèmes.
Le système agricole sénégalais admet aujourd’hui que les pratiques agroécologiques offrent des solutions pour faire face à l’insécurité alimentaire et à l’épuisement des écosystèmes dans le pays :
- au niveau des acteurs, plusieurs initiatives sont portées par les ONG locales, afin de développer des modèles agroécologiques pour répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire et de protection de l’environnement du pays ;
- au niveau universitaire, le programme de l’enseignement a intégré la discipline de l’agroécologie dans son système éducatif avec une licence totalement dédiée. Cette volonté est soutenue par d’autres projets comme le projet KCOA qui facilite la diffusion de pratiques agricoles et d’élevages fondées sur une agriculture durable au niveau national, notamment auprès des jeunes et des femmes, à travers des formation et des programme de démultiplication des connaissances acquises.
Ces initiatives pratiques collaborent pour la plupart avec l’université pour l’immersion des jeunes en situation d’apprentissage.
Vous avez développé une technique innovante pour obtenir des plants robustes et sains en pépinière maraîchère. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes partis des problèmes rencontrés par les maraîchers des Niayes pour obtenir des plants robustes et sains en pépinière maraîchère, notamment en période d’hivernage. Du fait de cette difficulté, beaucoup d’espèces sont absentes des marchés, avec des conséquences directes sur toute la chaîne de valeur.
La technique stabilisée est basée sur un ensemble de méthodes qui permet de créer les conditions favorables à une levée maximum de 5 jours après semis pour toute espèce confondue (tomate, aubergine, piment, gombo, etc.) et d’obtenir des plantules aptes au repiquage à seulement 25 jours d’entretien.
Après suivi du comportement des plantules issues de ce processus, il est apparu que celles-ci subissent très peu de stress et se développent relativement vite à la transplantation ce qui est source de leur futur état végétatif.
La maitrise de cette compétence offre de réelles opportunités du marché au porteur en tant que producteur de plants de pépinières et/ou comme exploitant maraîcher résilient.
La technologie repose sur un ensemble de pratiques coordonnées qui aboutit aux conditions requises pour la réussite d’une pépinière :
- Pour éviter la gorgée de d’eau de la planche par les précipitations, elle sera élevée à 15 cm minimum de la terre naturelle et un dispositif de drainage aménagé à une profondeur moyenne de 25 cm,
- Le bloc de pépinière sera aménagé de préférence sous la frondaison d’un Kadd ou à défaut remplacé par un dispositif de crinting au-dessus des planches pour amortir l’impact des précipitations dans le milieu de semis,
- Un composte mur sera utilisé et l’enfouissement ne doit pas dépasser le 15 cm de profondeur,
- Les graines sont disposées en deux fines couches de compost
- Le bloc de pépinière sera totalement protégé d’une haie de crinting de préférence et tout autour de plantes répulsives (pour notre cas, on a utilisé le basilic et l’œillet d’inde).
(NB) : Autre ces mesures, le protocole de réalisation d’une pépinière reste le même.
Comment assurez-vous la démultiplication de cette technologie ?
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet KCOA (Extrant B) sous l’égide de la Fédération Nationale pour l’agriculture écologique et biologique (FENAB) avec les moyens matériels de AgroSol. Elle est orientée vers les jeunes diplômés des universités et écoles de formations agricoles pour leur offrir la possibilité de développer leurs compétences pratiques en agroécologie, et auprès des femmes rurales, souvent premières victimes des impacts climatiques.
Une des conditions de participation à la formation : chaque personne formée a l’obligation de démultiplier la compétence acquise auprès de 10 autres personnes dans sa proximité.
Le programme de transfert, qui s’est effectué de mi-mai à début juin 2022, avait deux cibles principales :
- Les femmes rurales : 22 femmes du club Dékkal Suuf de Femboul, à Méckhé, affiliée au Cadre National Concertation des Ruraux du Sénégal (CNCR).
L’activité de Femboul a été un prétexte pour les femmes de réactiver les jardins de casse et ainsi faire profiter au village entier du maraîchage. Elle a été une innovation bénéfique pour les ménages dans le contexte qu’a connu l’hivernage de cette année.
- Les jeunes diplômés : 6 jeunes nouveaux diplômés issus de l’Université du Sine Saloum El Hadji Ibrahima Seck de Kaolack, du lycée Technique Professionnel Mgr François Xavier Ndione de Thies et de l’Institut Supérieur d’enseignement Professionnel ISEP de Thiès, que nous avons sélectionné dans un processus de recrutement.
Il est prévu d’organiser ces jeunes cadres à intégrer les faitières afin leur vendre le concept.
Le programme a été soutenu par les établissements d’origines des stagiaires et aurait fait l’objet d’un reportage par la cellule de communication de l’USSEIN.
A partir de cette activité, nous avons été conviés à plusieurs reprises à des ateliers organisés par l’USSEIN dont celui de l’élaboration de la plaquette de licence en agroécologie.
Il a été également fortement encouragé par le projet KCOA qui a intégré les personnes formées sur sa base de données des démultiplicateurs.
Malick SOW
773141143
sowmalik@gmail.com
Page Facebook Agrosol