Retours sur le forum régional sur l’agroécologie en Afrique de l’Ouest
Le Réseau FAR a participé au forum régional sur l’agroécologie “Quelle stratégie pour une mise à l’échelle de l’agroécologie en Afrique de l’Ouest ?” qui s’est tenu du 10 au 13 décembre 2022, à Bissau en République de Guinée Bissau. Organisé par l’Alliance pour l’Agroécologie en Afrique de l’Ouest (3AO), cet événement a réuni 176 participants de 19 pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Seydou Ouedraogo, président du réseau national burkinabè RNFAR-BF, a pris part à ces échanges pour rappeler l’enjeu de la formation dans la transition agroécologique. Il nous livre les principaux résultats des travaux du forum et ses impressions en lien avec la formation agricole et rurale.
Contexte et introduction
Ce forum consolide la dynamique de la transition agroécologie afin de garantir des moyens d’existence résilients, durables et adaptés aux nouveaux enjeux agricoles ouest-africains, par l’Alliance pour l’Agroécologie en Afrique de l’Ouest (3AO) qui est une plateforme de coordination et de relais d’information regroupant actuellement soixante-douze (72) organisations (OP, Instituts de Recherche/Universités, ONG internationales et mouvements sociaux).
Le forum placé sous la présidence du Président de la République de Guinée Bissau, son excellence Monsieur Umaru Sissoko Embalo, a réuni 176 délégués provenant de l’ARAA/CEDEAO, de la FAO, de l’AFD, de IPES-Food (Groupe International d’Experts sur les Systèmes Alimentaires Durables), des 14 pays membres du ROPPA (Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest), de délégations du Rwanda, de la France, de la Belgique, du Luxembourg et des États-Unis.
Le forum se tient dans un contexte ouest africain marqué par des fragilités alimentaires des populations ; la Transition Agroécologique (TAE) se présente comme un enjeu majeur pour inverser la tendance et garantir une demande alimentaire de plus en plus croissante qui a besoin d’être satisfaite par une production locale.
Le conflit armé opposant la Russie à l’Ukraine et la flambée des prix des produits alimentaires ainsi que des engrais ont mis en lumière, la fragilité du modèle agricole porté sur l’intensification avec les intrants chimiques.
Les initiatives pertinentes en œuvre dans les pays montrent que l’agroécologie s’avère comme une réponse viable pour relever les défis en matière de systèmes agricole et alimentaire et de santé publique. Le contexte actuel des crises (climatique, environnementale, sanitaire, pénurie et flambée des prix des engrais etc.) offre une opportunité de changement de trajectoire pour la construction de modèles agricoles capables de répondre de manière durable à l’urgence environnementale et à la flambée des prix alimentaires.
C’était un important rassemblement de différents pays/États et d’acteurs nationaux, sous-régional, régional, continental et international (Africain, Européens, Américain, Océanique…) engagés et fortement déterminés à accompagner la transition AE par la promotion, la diffusion, l’adoption, l’utilisation des pratiques AE pour une transformation des agricultures. Les femmes, les jeunes, les hommes (producteur-trice-s leaders dans leurs OPA/ROPPA, coopératives…), acteurs dans les territoires, étaient vraiment à l’honneur pour partager leurs connaissances et savoir-faire.
Déroulement du forum
Les travaux ont été structurés autour de cinq sessions clés :
- Une session de présentations introductives sous format de panel ;
- Une session bilan sur la mise en œuvre du plan d’action de 3AO et les leçons tirées ;
- Une session de partage des expériences pratiques sur la TAE en Afrique de l’Ouest à travers 5 ateliers thématiques pour mettre en relief les pratiques agroécologiques et leur contribution à la gestion des crises actuelles (climatiques, environnementale, économique…) : i) La Promotion des intrants agricoles (semences, biopesticides, biofertilisants), ii) La Production ASPH dans un contexte de crises multiples, iii) l’Accès aux marchés des produits issus des systèmes agroécologiques, iv) la Formation et l’installation des jeunes dans des systèmes agroécologiques, v) les Politiques publiques sur l’agroécologie en Afrique de l’Ouest : acquis-avancées et défis.
- Une session de partage de l’approche FRN (Farmer Research Network) de McKnight Foundation.
- Une session d’analyse et de définition d’orientations stratégiques pour le développement de l’agroécologie en Afrique de l’Ouest autour desquelles pourraient se construire les initiatives des acteurs travaillant pour la TAE. Cette session a été structurée autour des 5 axes suivants : i) Le soutien aux OP, organisations communautaires et de développement, ii) le développement de marchés territoriaux pour les productions agroécologiques, iii) le soutien à la co-innovation et l’échange de connaissances, iv) le développement de mécanismes de financement et moyens nécessaires à la transition agroécologique, v) le plaidoyer en faveur de l’agroécologie.
Les panels, les travaux de groupes et les débats (dans les groupes de travail et/ou en plénières) étaient faits à partir des vécus réels des producteurs et productrices dans les territoires. La pratique à été mise en avant (90%) dans le transfert des connaissances.
Principaux éléments des travaux du forum en lien avec la formation agricole et rurale
Concernant l’accès des exploitations familiales aux intrants agricoles organiques (semences paysannes, biopesticides, biofertilisants)
- Faciliter la création des unités de production des bio intrants par les jeunes formés pour soutenir les bassins de production agricole
- Travailler de concert avec la recherche pour améliorer la qualité et l’efficience des bio-intrants.
Concernant les productions agro-sylvopastorales et halieutiques pour les pays de la CEDEAO
- La co-construction avec la recherche à partir des savoirs endogènes/expertise paysanne
- Le développement des actions collectives coordonnées à l’aide d’un mécanisme de suivi endogène fiable et alléger
Concernant la formation et à l’installation des jeunes dans des systèmes agroécologiques
- La prise de conscience des États et des partenaires de la question agroécologique ainsi que la prise d’initiatives par les plateformes nationales
- La prise en compte des projets de recherche-action des apprenants dans les centres de formation agroécologique et la formation des producteurs par les producteurs
- L’implication de l’apprenant dans le fonctionnement et les travaux dans les fermes écoles ainsi que le suivi des apprenants via des groupes WhatsApp
- Formation des producteurs relais/ animateurs et formateurs endogènes
- Formation des producteurs par les producteurs
- Mobilisation de ressources financières publiques pour la formation et installation des jeunes.
Concernant la synergie d’action entre le Réseau FAR et le 3AO/ROPPA pour l’atteinte des objectifs de la mise à l’échelle de l’AE en Afrique de l’Ouest
- La prise en compte de la transition agroécologique/l’agroécologie dans les agendas internationaux, régionaux et nationaux depuis la COP 17
- Le lancement au niveau de la région du Programme Agroécologie en Afrique de l’Ouest (PAE) en 2017 par la CEDEAO qui a facilité la mise en place de stratégies/plans d’action AE et/ou de Correspondants Nationaux au sein des ministères
- La mise en place de comité pédagogique multi acteurs au sein des plateformes dans la conduite des projets et programmes (ex : CPF/ SEPOP, parcours de formations des jeunes leaders et des femmes des OPA …)
- Mutualisation et mobilisation des différents supports de formation et de communication (radio communautaires, NTIC (YouTube, tiktok…))
- Installation et massification des fermes de formation AE
- Contribution des OP et acteurs des filières agricoles dans la formation des producteurs, des jeunes et des femmes
Synthèse des recommandations et engagements du forum en lien avec la formation agricole et rurale
Pour les organisations internationales (AFD, GIZ…) et régionales (CEDEAO…)
- L’élaboration d’une stratégie régionale sur l’agroécologie de façon inclusive d’ici 2024 avec la prise en compte de notre note contributive qui sera transmise très prochainement ;
- Accompagnement des États dans la réforme des curricula de l’enseignement technique et professionnel pour intégrer les principes de l’agroécologie (instituts publics et prives de formations qui forment les agents techniques de terrains) ;
- Accompagnement des États pour aligner les services de conseil avec le modèle de l’université paysanne du ROPPA.
Pour les États
- Améliorer la protection juridique des OP et notamment des femmes et des jeunes, dans l’accès aux ressources productives ;
- Mettre les dispositifs de formation paysans au centre des politiques publiques de formation à l’agroécologie ;
- Financer le conseil agricole et les dispositifs de recherche-action et de mesure des impacts de l’AE ;
- Renforcer la collaboration entre OP, centres de recherche et entrepreneurs privés et/ou jeunes notamment, pour la fabrication des bio-intrants et la préservation des semences paysannes ;
- Intégration de l’AE dans les curricula de l’enseignement supérieur (qui forme les cadres supérieurs, concepteurs de politiques, de dispositifs de formations et de conseils) ;
- Travailler à une intégration étroite entre élevage et agriculture ;
- Soutenir la mise à l’échelle des pratiques réussies par une forme de mutualisation des connaissances et des savoirs endogènes ;
- Soutenir les dispositifs d’accès à l’installation des jeunes en agroécologie ;
- Accompagner le renforcement de l’université paysanne du ROPPA pour promouvoir l’AE dans tous les pays :
- Soutenir l’extension des centres de formation en AE dans tous les pays
- Promouvoir et assurer l’installation et la massification des fermes de formation AE
- Allouer des ressources financières publiques pour la formation et installation des jeunes
- Faciliter la mutualisation et mobilisation des différents supports de formation et de communication (radio communautaires, NTIC (YouTube, Tiktok…)
- Engager les réformes des systèmes nationaux de formation pour intégrer l’Agroécologie ;
- Intégrer l’AE dans les curricula de l’enseignement supérieur pour la formation des cadres supérieurs, de concepteurs de politiques et de dispositifs de formations et de conseils ;
- Pérennisation institutionnelle en lien avec le système de formation nationale agricole et rurale ;
- Promotion de la formation des jeunes femmes ;
- Modules harmonisés sur la base des besoins des producteurs ;
- Modules de formation sur des filières spécifiques avec 90% de pratiques ;
- Valorisation des compétences des apprenants comme formateurs ;
- Mentorat pour l’installation des fermes.
Pour les organisations paysannes
- Plaidoyer pour l’intégration de l’AE dans l’enseignement de base et dans les instituts publics et privés de formations des agents techniques de terrain ;
- La mutualisation et mobilisation des différents supports de formation et de communication (radios communautaires, NTIC (YouTube, Tiktok…) ;
- L’installation et la massification des fermes de formation AE à partir des fermes de professionnels en AE ;
- Encourager la recherche-action et la recherche paysanne au sein de nos exploitations familiales ;
- Renforcer les dispositifs de conseils agricoles au sein des OPA ;
- Organiser des visites et des voyages d’études et d’échanges entre pairs ;
- Plaidoyer pour l’intégration de l’AE dans l’enseignement de base ;
- Contribution des OP et acteurs des filières dans la formation des producteurs ;
- Mutualisation et mobilisation des différents supports de formation et de communication (radio communautaires, NTIC (YouTube, tiktok…)) ;
- Pérennisation du modèle économique de l’AE ;
- Développement du mentorat pour l’installation des fermes ;
- La relecture et amélioration du plan stratégique de 3AO en prenant en compte la FAR et les propositions issues du forum.
Je reviens de ce forum encore plus rassuré et convaincu des bienfaits de l’agroécologie. J’ai compris que l’acteur que je suis est sur la bonne trajectoire – j’ai été formé en AE dans un centre de formation en AE, de retour j’ai formé 30 collègues producteur-trice-s sur la fabrication d’engrais organique agroécologique (biofertilisant organique) : i) le Bokashi (facile à produire (plus d’une tonne peuvent être produite en 15 jours), améliore la fertilité du sol et la productivité…), ii) la bouillie de centre (biofertilisant liquide). Je vais donc continuer à partager et à transmettre les connaissances acquises aux autres collègues à travers des animations, des sessions de formation et de partage de mon savoir et mon savoir-faire.