Sénégal / Approches et méthodes de formation en agroécologie. Un atelier de capitalisation à Thiès
Que fait la formation et le conseil en matière d’agroécologie au Sénégal ? Une question initiée par le réseau national de Formation Agricole et Rurale (FARSEN) qui engage un processus de capitalisation de l’ensemble des pratiques de diffusion et d’adoption des savoirs agro-écologiques. Pour entamer cette démarche, le réseau a organisé, en partenariat et avec l’appui de l’ambassade de France, un atelier d’échanges et de capitalisation des stratégies et pratiques de formation agro-écologique, qui s’est tenu à Thiès (Sénégal) les 20 et 21 août 2024, réunissant une quarantaine de professionnels des dispositifs de formation, d’appui-conseil et d’accompagnement en agroécologie.
Un foisonnement d’initiatives de formation et conseil en agroécologie
Les pratiques et modèles agricoles intégrant les principes agro-écologiques sont considérés comme un des facteurs permettant de concilier les impératifs de sécurité alimentaire et d’une agriculture durable et résiliente. Au Sénégal, l’agroécologie occupe de plus en plus une place importante dans les politiques, la recherche et les formations agricoles et rurales. Déjà en 2016, des membres du réseau national FARSEN avaient accompagné un processus d’élaboration de programme de recherche, de vulgarisation et de curricula de formation en Agriculture écologique et biologique (AEB). Plusieurs curricula ont été proposés pour les formations des agriculteurs à la base, des techniciens agricoles et des étudiants ainsi d’ailleurs que pour des conseillers agricoles. Certains de ces curricula ont été adoptés et adaptés par les centres de formation, des écoles de formation et des universités.
Au-delà, plusieurs initiatives en matière de formation et de conseil en agroécologie émergent plus ou moins spontanément dans le pays. Ainsi sans vouloir uniformiser, l’harmonisation des pratiques de diffusion et d’adoption de l’agroécologie apparait comme une question importante en rapport avec la réinvention ou non des dispositifs, méthodes et outils de formation et de conseil agricole à divers niveaux d’intervention depuis l’institutionnelle jusqu’au terroir.
Capitaliser les pratiques et savoirs agro-écologiques
Le réseau national FARSEN s’est proposé de mettre en place un processus de capitalisation de l’ensemble de pratiques de diffusion et d’adoption des savoirs agro-écologiques. Ceci en prenant en compte l’ensemble des actions de coproduction de politiques, d’approches pédagogiques, de contenus, de formations, de conseil et d’apprentissages qui concourent à la transition agro-écologique.
Pour entamer un processus de capitalisation, le Réseau de formation Agricole et rural du Sénégal, en partenariat et avec l’appui de l’ambassade de France, a organisé un atelier d’échanges et de capitalisation des stratégies et pratiques de formation agro-écologique. L’objectif de cet atelier était de contribuer à la capitalisation des approches de construction de contenus et des techniques de formation (outils) et de mise en œuvre (démarches). De manière spécifique, il s’agissait de :
- Caractériser les approches de construction ou co-construction de contenus de formation agro-écologique (de l’identification des besoins à l’évaluation des contenus en passant par la révision) ;
- Décrire les outils, supports et démarche de formation en agroécologie à partir d’un canevas proposé en prenant compte les outils et supports mis en œuvre et les pratiques des équipes pédagogiques.
Pendant cet atelier, plusieurs acteurs de formation et de conseil en agroécologie ont fait des présentations sur leurs pratiques de terrain en matière de formation et de diffusion des pratiques agro-écologiques :
- Des dispositifs de formation et d’enseignement supérieur : deux Instituts Supérieurs d’Enseignement Professionnel (ISEP) de Matam et de Richard Toll et l’Université du Sine Saloum El hadji Ibrahima Niasse (USSEIN) ;
- Des services d’accompagnement de conseil et vulgarisation : deux sociétés de développement rural (SAED, SODEFITEX) et deux ONG (AVSF et ONG GRET) ;
- Des centres non formelles de formation en agroécologie : CERFA (Sandiara), CasaBio, Eco Form Africa, Ferme des 4 chemins, les Maisons Familiales Rurales.
Pour compléter ces groupes, le responsable de l’entreprise GKS, Monsieur Faye a fait une présentation des activités agro-écologiques et de leur diffusion de la structure.
Les trois points suivants, présentés en mode synthèse, peuvent être retenus comme résultats provisoires mais aussi comme point de départ d’un processus de capitalisation des approches et méthode de formation en agroécologie.
- Les approches et méthodes de formation en agroécologie convergent vers la co-construction de contenus et des méthodes de formation. Il apparait que les contenus agro-écologiques ne constituent pas des paquets technologiques à transmettre mais une diversité de pratiques adaptées dans le temps et dans l’espace qui sont en perpétuelle mouvement. Ainsi, la construction de chaque contenu repose sur un diagnostic local de l’écologie, des pratiques agricoles et des agrosystèmes.
- Sur le plan des approches et méthodes de conseil agro-écologique, les structures utilisent divers dispositifs traditionnels ou nouveaux. Il apparait que le champ école paysan et l’approche shep sont des dispositifs qui ont fait l’objet d’adaptation pour faire le conseil agro-écologique. Au-delà de l’action de massification des cibles qu’ils offrent, ces dispositifs permettent une co-construction des contenus (champs école) et la prise en compte des dimensions technique, économique et sociale de toutes les composantes de la chaine de valeur agricoles (Shep). Par ailleurs, des outils et méthodes de conseil traditionnel (diagnostic, session de formation, R/D, appuis) sont mis en contribution. Ces approches et méthodes mettent en commun divers acteurs qui ciblent souvent les mêmes producteurs. Elles sont mises en place aussi à travers des projets à durée limités dans le temps. Ces éléments interpellent la coordination systémique des acteurs pour permettre l’harmonisation des approches, méthodes et outils ainsi que la coordination du ciblage.
Par ailleurs, il est apparu que les tendances d’intégration de l’agroécologie dans les services de conseil agricole doivent s’appuyer sur plusieurs leviers que sont la politique et gouvernance, les mouvements sociaux communautaires et internationaux, la consommation, le marché et le financement ainsi que les dispositifs techniques. - Sur le plan des méthodes de formation et d’accompagnement aussi, il a été noté une diversité d’outils et supports dynamiques. Les centres de formation, se veulent d’abord des modèles de fermes agro-écologiques démultipliables, avec des adaptations nécessaires en fonction de ressources en place. Ces modèles de fermes sont en général caractérisés par la diversification agricole, l’intégration des productions et la pluriactivité. Dans ces centres existent des modes d’aménagements qui constituent aussi des modèles pour les apprenants. Ces centres se veulent aussi des milieux d’échanges d’expériences et de formation de masse. Ils accueillent des étudiants en formation ou en stage tout en s’insérant dans la communauté. On retrouve une mixité d’approches et méthodes souvent non formelles qui pourraient mieux être formalisées.
L’ensemble de ces approches et méthodes pourraient faire l’objet d’approfondissement et de développement dans un document de capitalisation. D’autres expériences pourraient être sollicitées pour enrichir le processus.
Amadou Ndiaye, Souleymane Sarr et Alioune Seydi
Secrétaire général, Président et membre du Réseau des Acteurs de la Formation Agricole et Rurale au Sénégal (FARSEN)
farsen2023@gmail.com