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Réseau FAR

29
Avr
2022

Togo / Création de fermes agroécologiques pédagogiques

[Retours d’expériences pratiques de formation des producteurs et productrices] Le Réseau des jeunes producteurs et professionnels agricoles du Togo (Rejeppat) s’est appuyé sur l’expérience du centre Songhaï au Bénin pour développer une dizaine de fermes écoles au Togo et former les jeunes agriculteurs aux pratiques agroécologiques.
Cette expérience est l'une des 23 pratiques innovantes de formation de producteurs et productrices en Afrique qui ont nourri le séminaire international Investir dans la formation des producteurs & productrices : c’est construire l’avenir !, Sénégal, 2021. Toutes les expériences

La mise en place des fermes agroécologiques pédagogiques s’appuie sur l’expérience d’une première ferme école créée en 2011 par un producteur qui a été formé au Centre Songhaï au Bénin. En 2018, Afdi Lorraine et le REJEPPAT-RC décident de reproduire cette expérience et de créer 9 autres fermes écoles réparties sur l’ensemble de la région Centrale.

Aujourd’hui, ce sont donc 10 fermes agroécologiques pédagogiques qui sont fonctionnelles et qui sont prévues pour s’inscrire dans la durée.

Quels sont les constats de départ pour développer ces fermes agroécologiques ?

Les producteurs constatent un appauvrissement de leurs sols, des effets croissants de la sécheresse sur leurs cultures et les rendements. Ils prennent aussi conscience de la dangerosité des produits phytosanitaires surtout quand ils sont utilisés à mauvais escient et sans protection.

Ces constats les orientent vers une agriculture plus durable et c’est pour répondre à ces attentes que les fermes pédagogiques agroécologiques ont été mises en place.

De plus, les consommateurs au Togo commencent à rechercher des produits de qualité et biologiques. S’orienter vers des productions agroécologiques est donc aussi une opportunité pour gagner de nouveaux marchés.

Enfin, pour les jeunes agriculteurs, les formations agricoles du pays sont onéreuses, mal réparties sur le territoire et ne sont pas suffisamment orientées vers la pratique. Un des objectifs des fermes écoles est ainsi de répondre plus directement aux besoins en formation des producteurs.

Dans quel contexte se développe l’expérience ?

Au Togo, la population a déjà plus que doublé depuis les années 1980, pour atteindre les 7,8 millions d’habitants. Dans vingt ans, ils seront 2 millions de plus, selon les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques (Inseed) du Togo. Avec cet accroissement démographique (+2,5 % par an), les terres cultivables togolaises vont irrémédiablement se morceler. Les agriculteurs vont ainsi devoir apprendre à produire plus avec de plus petites surfaces qu’il faudra préserver pour maintenir leur fertilité sur une longue durée.

Pour le Réseau des jeunes producteurs et professionnels agricoles du Togo (REJJEPAT), la solution réside dans l’agroécologie. Avec les fermes écoles, la volonté affichée du REJEPPAT-RC est donc de :

  • transmettre des pratiques agroécologiques permettant plus de résilience face au changement climatique
  • diminuer les charges d’exploitations, notamment à travers l’autoproduction de fertilisants et de produits de traitement
  • produire des produits “sains” pour l’environnement et les consommateurs

Les formations visent plus particulièrement les jeunes souhaitant se former avant de s’installer ou ceux déjà actifs agricoles mais désireux de se perfectionner en découvrant de nouvelles pratiques agroécologiques.

Quels sont les objectifs visés ?

L’objectif des fermes agroécologiques pédagogiques est de proposer une formation pratique en alternance aux agriculteurs pour les orienter vers une agriculture plus durable et résiliente face aux effets du changement climatique.

Différents modules de formations sont utilisés et portent sur les pratiques agronomiques ou d’élevage, sur les pratiques forestières et agroforestières, sur les pratiques innovantes d’agriculture organique régénérative.

Le REJEPPAT est une organisation de producteurs fondée par des jeunes agriculteurs, il vise donc plus particulièrement la formation des jeunes en agriculture et facilite leur accès aux formations dans les fermes écoles. Les formations sont ouvertes à tous les jeunes agriculteurs, ceux déjà installés et qui souhaitent modifier leurs pratiques agricoles ou ceux qui ont un projet d’installation.

Quels sont les acteurs principaux et leurs rôles ?

  • REJEPPAT-RC, Réseau des jeunes producteurs et professionels agricoles du Togo de la Région Centrale, a été créé en 2013 et représente environ 1200 producteurs dont 500 femmes. Il est à l’initiative du projet des fermes écoles. Il assure le suivi du développement et du fonctionnement des fermes écoles, organise les formations des formateurs, accompagne les jeunes dans leurs projets agricoles.
  • CTOP, Coordination togolaise des organisations paysannes. Créée en 2001, elle regroupe 20 organisations paysannes nationales et représente environ 550 000 producteurs à travers tout le Togo. Le REJEPPAT est membre actif de la CTOP. La CTOP a mobilisé des financements complémentaires pour le fonctionnement des fermes écoles et l’organisation de formations, auprès du Forest and farm facility de la FAO et auprès de la GIZ.
  • Afdi est partenaire de la CTOP et Afdi Lorraine est partenaire du REJEPPAT-RC depuis 2017. Afdi accompagne les deux OP dans ce projet de développement de fermes agroécologiques pédagogiques et a notamment mobilisé des financements auprès de l’AFD.

Quelles sont les principales activités menées ?

Une ferme école est une exploitation dirigée par un agriculteur (maître formateur) spécifiquement formé aux pratiques agroécologiques et aux techniques d’animation et de formation pour adulte. Le REJEPPAT-RC et la CTOP ont organisé à plusieurs reprises des formations de formateurs et des échanges Sud-Sud pour faire monter en compétence les maîtres formateurs.

Sur la base d’une enquête de terrain, un catalogue de formations répondant aux besoins des apprenants a été établi. Ce document reprend les différentes formations que peuvent proposer les 10 fermes pédagogiques. Ont également été édités :

  • un manuel du formateur et de l’apprenant
  • un cahier des charges décrivant le fonctionnement et les spécificités d’une ferme école.

Des modules sur la gestion des fermes et de lutte contre les ravageurs complètent systématiquement chacune des formations.

Les stagiaires sont accueillis par petits groupes sur la ferme de leur choix. Durant 3 mois, ils bénéficieront d’une formation pratique, souvent en alternance, qui leur permettra de découvrir et maîtriser les différentes techniques agroécologiques proposées. La formation est construite avec 10 % de cours théoriques : présentation, dialogues et d’exercices en salle ; et 90 % de cours pratiques : sessions d’observation, mise en pratique…

En fin de parcours, une évaluation par le biais d’un questionnaire individuel sur la formation est réalisée. Si elle est concluante, une attestation de participation est délivrée au stagiaire.

Comment ont été identifiés les besoins en formation ?

  • Enquête de terrain. Les thèmes de formation ont été construits par le REJEPPAT-RC, sur la base des besoins exprimés du terrain au cours d’une enquête.L’enquête a été réalisée en avril 2018 par le coordinateur du REJEPPAT accompagné du président du groupe local du REJJEPAT concerné. 36 groupements ont été rencontrés soit 735 membres ainsi que 21 entrepreneurs individuels. Cette enquête a permis d’identifier 5 thèmes de formations prioritaires et 2 thèmes transversaux : Élevage petits ruminants, Transformation de céréales/tubercules, Production vivrière, Production d’anacarde, Élevage de volailles, Gestion de la ferme et techniques de lutte contre les nuisibles.
  • Formation de formateurs. Les maîtres formateurs ont bénéficié de formations communes sur des pratiques agronomiques, forestières et agroforestières, sur des pratiques innovantes, etc.
  • Construction d’un module de formation adapté aux fermes écoles. Le REJEPPAT-RC a construit, en lien avec chaque maître formateur concerné, un module de formation en fonction des réalités de chaque ferme écoles et des pratiques agroécologiques existantes sur chacune d’elles. Les 10 fermes agroécologiques pédagogiques ont ainsi une base commune de formation mais aussi leurs propres spécificités. Les stagiaires peuvent donc choisir une offre de formation qui réponde le mieux à leurs attentes parmi les 10 formations proposées par les fermes écoles.

Comment est financée cette expérience ?

Les formations de formateurs, la conception et l’impression des manuels ainsi que la formation de plusieurs jeunes agriculteurs ont été financés par par la CTOP, le REJEPPAT-RC et Afdi grâce à des financements mobilisés auprès du FFF/FAO, de la GIZ, de l’AFD, de la région Grand Est.

Les formations de 3 mois sur les fermes pédagogiques sont payantes pour les apprenants, à hauteur de 10 000 Fcfa. L’hébergement est parfois proposé sur la ferme pendant la formation. Les apprenants assurent en général tout ou partie de leurs frais de restauration.

Ce montant est volontairement faible et a été longuement débattu en conseil d’administration du REJJEPAT. C’est une réelle volonté de l’OP de permettre à un maximum de jeunes de bénéficier de ces opportunités de formations. Le delta entre le financement des formations par les stagiaires et le coût réel des formations n’est pas pris en charge par le projet via l’OP mais reste à la charge des maîtres-formateurs. La volonté du CA est toutefois que l’investissement des formateurs ne soit pas remis en question du fait des coûts générés par l’accueil de stagiaires et que les membres du Rejeppat bénéficient d’un « tarif préférentiel », un équilibre est à trouver pour satisfaire tous les acteurs.

Cette thématique de la prise en charge de la formation est encore à l’étude, c’est sans doute le point faible du dispositif.

Quels sont les principaux conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?

  1. Une étude/analyse de départ des besoins du terrain est essentielle pour cibler les thématiques de formations, les moyens que les apprenants sont prêts à mettre, le temps dont ils disposent….
  2. L’appui d’une coordination technique est nécessaire à la bonne réalisation d’un tel dipositif (mise en forme des documents, suivi du déroulement des formations, communication…)
  3. Le cahier des charges des fermes pédagogiques doit être suffisamment détaillé pour garantir une certaine qualité aux formations proposées sur la ferme et clarifier les aspects financiers de ce type de dispositif.
  4. Les formations des formateurs donnent une base commune aux différents formateurs. Des recyclages de formation doivent être régulièrement organisés pour maintenir un bon niveau de formation, développer de nouvelles thématiques et acquérir de la pédagogie et des méthodes d’animation.
  5. Il est important de prendre en compte les attentes des consommateurs (étude de marché locale) pour que les stagiaires se lancent dans des productions qu’ils pourront ensuite facilement écouler sur les marchés. Les notions de gestion de l’exploitation sont aussi importantes pour réussir une transition agroécologique de sa ferme d’où l’importance de rajouter cette thématique dans l’offre de formation.

En savoir plus

Au Togo, l’essor de fermes-écoles pour former les patrons de l’agroécologie de demain, Le Monde, février 2021

Flore Ferraro

Afdi
+221 771 50 15 39
flore.ferraro@afdi-opa.org

 

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