Togo / Prendre en compte le genre pour améliorer l’accès, le maintien et l’insertion post-formation des filles et des femmes dans la FAR
Les femmes représentent plus de la moitié de la main-d’œuvre agricole togolaise. Elles font pourtant face à des obstacles structurels pour l’accès aux moyens de production dont la FAR fait partie. Elle constitue un puissant levier pour relever les défis d’un pays à dominante agricole confronté au sous-emploi des jeunes et à la très faible productivité de son agriculture. Malgré les mesures mises en place par les centres de formation agricole et rural pour augmenter leur effectif féminin, les filles et les femmes restent difficiles à recruter.
Dans un contexte de préoccupations croissantes du Réseau FAR sur le genre, l’APCFAR au Togo souhaite comprendre quels sont les freins liés au genre pour accéder à la formation, s’y maintenir, et s’installer ensuite. Analyser les dispositifs mis en place par les centres pour pallier ces difficultés, permet de prendre du recul sur les mesures qui peuvent être prises par l’APCFAR pour améliorer la prise en compte du genre dans la FAR au Togo et plus largement dans les actions du Réseau FAR. Une étude qualitative, compréhensive et systémique a donc été mobilisée durant 6 mois dont 4 sur le terrain dans 6 centres du Togo par deux stagiaires.
Les principaux résultats issus de l’analyse d’entretiens semi-directifs et de groupes auprès de l’ensemble des acteurs et bénéficiaires de la FAR montrent que les obstacles rencontrés relèvent majoritairement des normes socioculturelles. La FAR souffre d’une image négative, l’agriculture reste considérée comme un métier d’homme, les parents préfèrent investir dans l’éducation de leurs fils. Au cours de la formation, les filles et les femmes ne disposent pas d’infrastructures adaptées à leurs besoins. Les formateurs ne sont pas formés aux spécificités de genre et la pédagogie dispensée tend à renforcer les stéréotypes de genre. Les filles et les femmes sont souvent victimes de violences liées au genre et le règlement intérieur peut être discriminant à leur encontre. A la sortie de la formation, les filles et les femmes privilégient le mariage et la maternité au détriment de leur activité professionnelle. Les pesanteurs socioculturelles concernant l’accès à la terre et au financement ralentissent fortement leur installation. Les centres ont mis en place des mesures pour pallier les difficultés qu’ils ont eux-mêmes identifiées. Elles peuvent bénéficier d’une réduction de leurs frais de scolarité. Les centres mettent en place des dortoirs et sont attentifs au bien-être des filles. A l’issue de la formation, un seul centre a mis en place une action en faveur des filles : la distribution de kits d’installation. Ceux qui semblent parvenir à recruter les filles sont ceux qui ont un ancrage territorial important. Pour autant, les centres ne s’attaquent pas aux racines du problème que sont les normes socio-culturelles. Les entretiens révèlent que la population n’a généralement pas conscience des enjeux liés au genre et des difficultés que les filles et les femmes rencontrent. Si l’Etat défend une approche intégrée du genre, sur le terrain ses représentants perpétuent les normes de genre défavorables pour l’égalité. Les associations de défense des droits des femmes, et de formation préconisent une approche intégrée et transformative du genre.
C’est sur cette base que les propositions à destination de l’APCFAR se sont construites. L’APCFAR en tant qu’acteur clé, peut mettre en place des actions de plaidoyer au niveau institutionnel et accompagner les CFAR dans leurs démarches. Elle peut d’une part favoriser l’accès des femmes et des filles à la FAR en transformant la perception du secteur, et en mettant en place un système de discrimination positive adapté. Pour assurer un environnement sain et sécurisé adapté aux femmes et aux filles, il est essentiel de travailler sur la pédagogie, les infrastructures et de transformer la participation des jeunes à travers l’empowerment du genre féminin et la promotion des masculinités positives. Enfin, accompagner les filles et les femmes est l’un des leviers pour favoriser leur installation, en agissant en lien avec les associations de défense des droits des femmes pour l’accès à la terre et aux financements.
Cette analyse menée par Elea Fournier et Adrien Safari a fait l’objet de deux mémoires de fin d’études :
Fournier Eléa, 2023. Prendre en compte le genre pour améliorer l’accès, le maintien et l’insertion post-formation des filles et des femmes dans la FAR : Analyse comparative dans 3 CFAR au Togo. Mémoire de fin d’études pour l’obtention du diplôme d’ingénieur AgroParisTech, option MOQUAS, Institut Agro Montpellier, 111p.
Safari Adrien, 2023. Prise en compte du genre dans les centres de formation agricole et rurale au Togo. Étude comparative de 3 CFAR de l’APCFAR au Togo. Mémoire de fin d’études pour l’obtention du diplôme d’ingénieur AgroParisTech, option MOQUAS, Institut Agro Montpellier, 79p.
Autres ressources : le webinaire de restitution des stages 24 novembre 2023