Togo / Une filière oignon plus compétitive et durable
[Retours d’expériences pratiques de formation des producteurs et productrices] La Maison Familiale de Formations Rurales (MFFR) du Togo, en partenariat avec la Fédération nationale, appuie et forme depuis 2018 les maraîchers de la région des Savanes à produire des oignons plus compétitifs sur le marché et dans la durée. Des innovations en matière de production durable (compost, utilisation de bio fertilisants, gestion intégrée de la fertilité des sols) ont été introduites pour offrir un oignon de qualité avec une période de conservation allongée. Une expérience qui valorise la filière oignon et la rend plus attractive pour les jeunes et les femmes du territoire.
Quels sont les constats à l’origine de cette expérience ?
La mévente occasionnée au niveau de la filière oignon (due à l’utilisation abusive des engrais chimiques, conséquence de non conservation) a amené la Maison Familiale de Formations Rurales Dampiong (MFFR) à mettre en place une formation pour les maraichers afin de pouvoir mieux gérer la production et accéder au marché pour un meilleur revenu. L’objectif est d’arriver à un changement de mentalité chez les producteurs.trices afin que ces derniers.ères adoptent des techniques agroécologiques qui leur permettent non seulement de mieux gérer la fertilité de leur sols mais aussi de conserver ce produit aussi longtemps que possible et de le vendre à un prix rémunérateur.
Dans quel contexte se développe-t-elle ?
La région des Savanes, avec 828 224 habitants (13 % de la population totale) dont 430 228 femmes, majoritairement jeune comme tout le pays, regorge d’importantes potentialités pour le développement facile de certaines filières (riz, maraichage, élevage). Elle est la région la plus pauvre du pays avec une incidence de la pauvreté estimée à 90,50 %. Cette incidence est plus accentuée en milieu rural, touchant plus les producteurs agricoles donc les producteurs d’oignons. Les acteurs de ce secteur de la région sont peu professionnalisés et mal organisés, entrainant des rendements faibles et par conséquent des revenus peu rémunérateurs pour la plupart d’entre eux.
La zone de Dampiong, lieu d’implantation de la MFFR Dampiong, renferme de nombreux maraîchers qui produisent principalement l’oignon et la tomate. Cette zone agroécologique est adaptée pour la production des légumes.
La filière oignon dans la zone Dampiong est moins compétitive car les producteurs écoulent les oignons dès la récolte. La majorité utilisent de façon incontrôlée les engrais chimiques, les obligeant à vendre le produit à la récolte. Cette situation conduit à de faibles revenus pour les producteurs.
La MFFR Dampiong en partenariat avec la Fédération Nationale des MFFR du Togo, a initié une action pour renforcer les capacités de ces producteurs afin que leur oignon deviennent compétitif sur le marché et dans la durée. Ainsi, des innovations en matière de production durable (compost, utilisation des bio fertilisants comme la poudre du champignon MYCOTRI, gestion intégrée de la fertilité des sols) ont été introduites pour mettre sur le marché de l’oignon de qualité, et pour allonger la période de conservation.
Quels sont les objectifs visés ?
L’objectif global de cette expérience est d’amener les producteurs à changer de mentalité et à s’orienter vers les pratiques durables dans le maraîchage. Il s’agit spécifiquement de :
- amener les producteurs à limiter l’utilisation des engrais chimiques qui empêche la conservation des oignons sur de longue durée
- amener les producteurs à changer de mentalité pour limiter la dépendance vis à vis des engrais chimiques
- faciliter l’accès au marché des oignons agroécologiques pour un meilleur revenu.
Cette expérience a été conduite avec les producteurs.trices (jeunes, femmes, hommes) mais un accent particulier a été mis sur les jeunes et les femmes.
La MFFR de Dampiong, a pour mission de former les jeunes et les adultes et faciliter leur insertion socio-professionnelle, de participer à la protection de l’environnement et au développement des territoires.
Quels sont les acteurs principaux et leurs rôles ?
- MFFR Dampiong : formation technique des producteurs identifiés et suivi technique sur le terrain ;
- Autorités locales (CVD) : appui à l’identification des producteurs.trices bénéficiaires ;
- Commerçants : achat d’oignons en gros après conservation de 5 mois au moins ;
- SCOOPS MATAOG MAN : gestion de l’organisation des producteurs ;
- AGIDE : fourniture des poudres de MYCOTRI pour produire du compost ;
- Partenaires financiers : UNMFREO, Comité Togo (MFR Loire -Auvergne, Drôme-Ardèche), CFSI, Fondation de France.
Quelles sont les principales activités menées ?
- Identification des producteurs.trices avec un accent particulier sur les femmes et les jeunes, en collaborations avec les autorités locales ;
- Formation théoriques des producteurs.trices, qui s’est déroulée à la MFFR Dampiong. La durée totale de la formation couvre six mois en alternance. La période propice choisit celle qui couvre le maraîchage contre-saison dans la zone Dampiong.
- Formation pratique des producteurs, qui s’est déroulée à deux niveaux : au niveau de la MFFR et dans les exploitations des maraichers au cours de l’exécution des activités de production
- Suivi des périmètres maraîchers et échanges, avec l’implication d’autres producteurs non bénéficiaires
- Conservation des oignons dans des magasins construits à cet effet (une petite quantité de l’oignon produit avec des méthodes conventionnelles est conservée pour comparaison)
- Appui à l’organisation de la vente.
Comment ont été identifiés les besoins en formation ?
La formation des producteurs.trices d’oignon s’est construite sur la base d’un constat partagé entre la MFFR Dampiong et quelques producteurs de la zone : la mauvaise conservation et la mévente des oignons produits dans le territoire de Dampiong. De ces constats partagés, la MFFR Dampiong a identifié une piste pour résoudre le problème : la formation sur les techniques de production pouvant allonger la période de conservation pour permettre aux producteurs.trices de tirer un meilleur revenu.
Pour arriver à la formulation des modules, la MFFR a réalisé une enquête au niveau des producteurs.trices pour évaluer les besoins en formation. De cette enquête, il est ressorti les éléments suivants :
- les maraîchers utilisent beaucoup d’intrant chimiques pour augmenter la taille des bulbes, ce qui réduit considérablement les périodes de conservations ;
- les techniques agroécologiques sont méconnus par les producteurs.trices pour réduire l’utilisation des engrais chimiques ;
- les producteurs.trices conservent des oignons dans des conditions non convenables ;
- une mauvaise organisation des producteurs.trices ne permet pas d’explorer les pistes de marché de masse.
De ces analyses, la MFFR Dampiong a trouvé important de mettre en place une formation des producteurs.trices d’oignon basée sur les techniques agroécologiques et un accompagnement dans la structuration des producteurs. Cette formation a été construite sur une période de 6 mois.
Comment est financée cette expérience ?
- Au départ, un financement sur programme. La mise en place de cette formation a commencé avec un financement du programme PAFAO (CFSI), l’UNMFREO et la MFFR. Environ 120 personnes ont été formées en 2018.
- Ensuite, un auto-financement. Les résultats obtenus notamment sur la durée de conservation et l’amélioration des revenus ont renforcé cette demande chez d’autres producteurs. Ainsi la MFFR Dampiong a prennisé cette formation et forme environ une trentaine de maraîcher par an. Cette formation organisée par an est financée sur fonds propre et financement des MFR France (salaire et déplacements des moniteurs) et financement des bénéficiaires (prise en charge des déplacements et de restauration).
La proximité des producteurs.trices formé.es de la MFFR Dampiong a facilité largement le financement de cette formation. On note un cout de déplacements presque négligeables des bénéficiaires. (NB : les frais de formation sont fixés à 5 000 FCFA mais ils sont difficilement payés par les producteurs.trices.)
Quels sont les principaux conseils que vous donneriez pour mener une expérience telle que celle décrite ?
- Commencer par un diagnostic participatif pour analyser les problèmes et les besoins en formation ;
- Faire participer activement les producteurs dans la définition des modules de formation et le choix de l’approche pédagogique (au moins le regard extérieur de quelques leaders producteurs) ;
- Le producteur doit identifier le gain financier à tirer avec cette formation et les pratiques agroécologiques ;
- La formation des producteurs doit utiliser moins de salle (moins de théorie) et plus de terrain (pratiques) ;
- Susciter des dialogues entre producteurs pour apprécier l’innovation et proposer des pistes d’amélioration.
Komi Julien LOKOKPE
MFFR Togo
+228 92 60 09 34
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