Depuis 2015, Malick Ndiaye portent le projet Alfang, un centre de formation privé associatif implanté dans le Bassin arachidier et le Delta du Saloum, au Sénégal. Dans cette région agricole à fort potentiel mais confrontée à la perte de fertilité des sols, à la salinisation, au changement climatique et à une pression foncière croissante, Alfang forme et accompagne des jeunes déscolarisés pour qu’ils puissent créer une activité agricole agroécologique, économiquement viable et enracinée dans leur communauté. Le centre entend ainsi contribuer à transformer les pratiques agricoles et à faire de l’agroécologie un levier de progrès social au sein des territoires.
Du constat à l’action
En 2013, un vétérinaire préoccupé par l’exode rural des jeunes et la dégradation des conditions de vie décide de créer un centre de formation adapté à leur réalité. Un master en poche, et après une étude démontrant l’ampleur du problème et la faiblesse de l’offre de formation agricole existante, il rassemble autour de lui un groupe de professionnels du développement partageant les mêmes valeurs. Ensemble, ils fondent Alfang et, au fil de dix années, élaborent un modèle de formation-accompagnement pour promouvoir une agriculture agroécologique portée par les jeunes et ancrée dans les communautés.
Un processus construit étape par étape
La formation, centrée sur la pratique, permet aux jeunes d’acquérir les techniques agroécologiques auprès de professionnels engagés dans les collectifs nationaux et régionaux d’innovation en agroécologie. Les compétences sociales et la capacité à devenir des leaders communautaires sont travaillées dans un internat structuré en communauté de vie et de travail, où l’équité hommes-femmes, l’autonomie et la prise de responsabilité sont encouragées. Le suivi et l’accompagnement reposent sur des contacts réguliers, le mentorat et la mise en réseau. Alfang développe aussi des partenariats locaux pour diffuser l’agroécologie et faciliter l’insertion, organise des camps de vacances agroécologiques pour les enfants des écoles, produit des plants agroforestiers pour les chantiers communautaires et contribue aux réseaux nationaux et internationaux d’innovation.
Des résultats qui transforment les pratiques et les mentalités
En dix ans, Alfang a formé 200 jeunes, accueilli une centaine de stagiaires issus des ISEP et lycées agricoles et lancé des camps d’été agroécologiques. Une étude réalisée en 2025 montre que les jeunes et leurs familles apprécient l’alliance théorie-pratique, l’approche globale de l’exploitation, les compétences techniques et sociales acquises ainsi que la responsabilisation et l’autonomie développées grâce au projet d’installation. Une part importante des jeunes formés est insérée en agriculture, même si l’accès au foncier et le financement demeurent des obstacles majeurs. L’action sociale et agroécologique d’Alfang à travers les chantiers communautaires, reboisement, régénération naturelle assistée, vacances solidaires est reconnue dans le territoire et fédère un réseau de partenariats.
Leçons et conseils
Changer durablement demande foi en l’humain et patience. L’agroécologie portée par les jeunes et ancrée dans les territoires est une voie réaliste pour améliorer les sols, préserver les arbres et renforcer la résilience communautaire, à condition de combiner compétences techniques, gestionnaires et sociales de haut niveau. La formation par la pratique, sur une durée suffisante, permet même à des jeunes défavorisés d’acquérir ces savoir-faire, mais l’insertion reste l’étape la plus difficile et doit être accompagnée par du conseil, un appui au financement et un système de services agricoles. Pour réussir, un tel projet doit s’appuyer sur des équipes stables et engagées, un lien fort avec les savoirs endogènes et les cercles d’innovation, des financements pluriannuels sécurisés, et un travail dans la durée avec une diversité de partenaires ancrés dans le territoire.
