Depuis 2020, au Togo, la Société Internationale de Consultance Agricole (SICA) mène une initiative ambitieuse : professionnaliser les formateurs et conseillers agricoles pour mieux accompagner les producteurs vers une agriculture durable. Porté par un réseau d’organisations paysannes, d’institutions publiques et de partenaires techniques, le projet vise à renforcer les capacités des acteurs de terrain pour concevoir et mettre en œuvre des formations et accompagnements adaptés à la transition agroécologique, en alliant maîtrise technique, posture réflexive et compétences pédagogiques.
Du constat à l’action
Cette initiative est née d’un double constat. D’une part, les systèmes agricoles familiaux se fragilisaient face à l’érosion des sols, à la baisse de fertilité, aux effets du changement climatique et à l’insécurité alimentaire. D’autre part, les dispositifs de formation existants ne répondaient pas aux enjeux de la transition agroécologique. Les actions menées jusque-là restaient dispersées, souvent limitées à l’aspect technique, sans accompagnement durable des changements. Les formateurs et conseillers agricoles manquaient d’outils, de postures et de compétences pédagogiques adaptées. Ce contexte a motivé la création d’une démarche structurée pour professionnaliser les acteurs de terrain et les outiller pour accompagner les producteurs vers des systèmes agricoles durables et résilients.
Un processus construit étape par étape
Pour atteindre ses objectifs, SICA a déployé un ensemble d’actions clés. Les besoins en compétences des formateurs et conseillers ont été identifiés, puis traduits dans des référentiels intégrant les dimensions techniques, pédagogiques et relationnelles. Des modules adaptés aux contextes agroécologiques du nord, du centre et du sud du Togo ont été conçus. Les formations continues, centrées sur l’expérimentation, l’accompagnement et l’animation participative, ont permis d’ancrer les acquis. Des dispositifs de suivi-accompagnement ont renforcé la mise en pratique, favorisé les échanges entre pairs et permis d’ajuster les approches. Les producteurs formés ont intégré les compétences acquises pour appuyer la transition agroécologique, avec un impact concret sur leur productivité. Enfin, des ateliers multi-acteurs ont permis de capitaliser les acquis, d’assurer une meilleure cohérence entre les parties prenantes et de renforcer les dynamiques collectives de changement au sein des territoires.
Des résultats qui transforment les pratiques
Depuis 2020, plus de 300 acteurs formateurs, conseillers et animateurs ont été formés et accompagnés dans plusieurs régions du Togo. Les dispositifs de formation ont été métamorphosé : intégration de contenus agroécologiques contextualisés, révision des curricula vers une approche par compétences, valorisation de l’apprentissage expérientiel et introduction de modalités d’évaluation formative. Ces évolutions ont permis aux formateurs d’accompagner les producteurs de manière plus participative et adaptée aux dynamiques locales. L’initiative a aussi favorisé l’ancrage d’une culture de co-construction et de capitalisation continue au sein des structures impliquées.
Changer les pratiques et les mentalités
Les formateurs et conseillers accompagnés ont développé de nouvelles compétences et adopté des postures professionnelles différentes. Ils maîtrisent davantage les méthodes actives, l’ingénierie pédagogique contextualisée et l’accompagnement des processus de changement. Leur posture a évolué d’une logique descendante vers une approche participative, centrée sur l’écoute, la co-construction et la valorisation des savoirs locaux. Ces changements se traduisent par une capacité accrue à adapter les contenus aux réalités des producteurs, à mobiliser les dynamiques collectives et à animer des dispositifs d’apprentissage ancrés dans les principes de l’agroécologie. Sur le plan organisationnel, SICA a intégré durablement une ingénierie de formation centrée sur les compétences, les postures professionnelles et l’accompagnement des transitions. Elle a aussi renforcé ses capacités internes en conception pédagogique, en animation multi-acteurs et en suivi-évaluation, tout en structurant des dynamiques collaboratives territoriales.
Leçons et conseils
L’expérience a montré que l’efficacité de l’accompagnement en agroécologie repose sur une articulation fine entre compétences techniques, posture professionnelle et ancrage territorial. Une erreur initiale a été de privilégier les contenus techniques au détriment de la pédagogie et de l’accompagnement humain. De plus, la nécessité de co-construire les parcours avec les acteurs locaux et de prévoir des mécanismes de suivi dès le départ avait été sous-estimée.
Trois conseils émergent de cette expérience :
- Mettre en place un suivi participatif et une capitalisation continue : ces outils permettent d’identifier rapidement les blocages, d’ajuster les méthodes et de valoriser les apprentissages, renforçant ainsi la résilience et l’efficacité des interventions.
- Adopter une approche intégrée dès la conception : combiner les dimensions technique, pédagogique et humaine pour éviter de freiner la transformation durable des pratiques.
- Impliquer activement les acteurs locaux dès le début : producteurs, organisations paysannes et collectivités doivent être associés à toutes les étapes pour garantir la pertinence et l’appropriation des contenus.
 
              




 
      
 
    