[Paroles d’acteur] Adapter la formation agricole et rurale à l’agroécologie pour renforcer la souveraineté alimentaire

Depuis 2011, la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) du Mali s’est engagée dans la formation et la dissémination de l’agroécologie paysanne à travers le centre international Nyéléni, devenu en 2015 le Centre International de Formation en Agroécologie Paysanne (CIFAN). L’objectif principal est de « Promouvoir une exploitation familiale agricole autonome, souveraine, apaisée, prospère et résiliente au changement climatique où les femmes et les jeunes jouent un rôle central ». Le dispositif, soutenu par la CNOP et ses organisations membres, vise à adapter les petits producteurs aux effets du changement climatique et à contribuer à la souveraineté alimentaire.

Du constat à l’action

Ayant constaté les conséquences du changement climatique ainsi que celles de l’agriculture conventionnelle sur les écosystèmes, la biodiversité et l’agriculture, la CNOP a opté pour l’agroécologie comme alternative pour s’adapter, atténuer les effets climatiques et restaurer les terres dégradées. En 2011, Nyéléni a formé ses premiers relais formateurs en agroécologie. En février 2015, le premier forum mondial sur l’agroécologie a permis à la société civile internationale de réaffirmer sa position et d’attirer l’attention des décideurs politiques sur les enjeux.

Un processus construit étape par étape

Les assemblées générales annuelles de la CNOP, tenues à Nyéléni, ont permis de dresser un état des lieux à partir des remontées d’informations des producteurs et productrices. Les organisations membres ont ensuite sélectionné des paysans et paysannes pilotes pour l’élaboration des outils didactiques, valorisant les connaissances endogènes et mettant le paysan au cœur du processus. Ces personnes ont été regroupées par métier et par filière, selon les zones climatiques, afin de recueillir des données sur la biodiversité, les ressources naturelles, les semences paysannes et les techniques culturales ancestrales. Les outils élaborés ont ensuite servi à la formation d’un premier vivier de relais formateurs-formatrices.

Des résultats qui transforment les pratiques et les mentalités

Depuis 2011, ce dispositif a permis de former 2 771 relais paysans devenus formateurs-formatrices et disséminateurs de connaissances agroécologiques. La CNOP estime à plus de 30 000 le nombre de personnes formées grâce à la démultiplication des savoirs. Plusieurs changements sont visibles : retour de l’organisation collective des travaux champêtres dans les villages, évolution des modules de formation vers des fiches techniques et capsules vidéos, et reconnaissance institutionnelle avec l’ouverture d’un master en agroécologie à l’IPR/IFRA de Katibougou. Aujourd’hui, les paysans formés deviennent à leur tour porteurs de pratiques agroécologiques, sélectionnent et multiplient les semences paysannes, adaptent les semences améliorées à leurs terroirs et valorisent les races locales. La CNOP est désormais citée comme une référence nationale et assure le secrétariat de la plateforme nationale de l’agroécologie paysanne et de l’agriculture biologique.

Leçons et conseils

L’expérience démontre la force d’une approche fondée sur la transmission de connaissances de paysan à paysan, s’appuyant sur les savoirs endogènes, la richesse culturelle et la diversité des terroirs. L’agroécologie paysanne apparaît comme une alternative incontournable au changement climatique et une voie sûre pour la souveraineté alimentaire. Elle favorise la biodiversité, améliore les rendements grâce aux rotations et associations de cultures, et pallie le manque de main-d’œuvre par l’organisation collective du travail. Trois conseils clés se dégagent : mettre les paysans et paysannes au cœur du processus, valoriser les connaissances endogènes et culturelles, et faire de la recherche participative une réalité en rendant les paysans copropriétaires des résultats.