L’expérience des Digikiosques au Bénin a démarré en 2022 avec le projet DigiCLA, porté par le LRIDA, l’ONG Eclosio et la start-up TIC ABC, avec l’appui de l’ICIPE et de l’Union européenne. Installés dans six villages de N’Dali et Natitingou, ces kiosques solaires diffusent des vidéos agricoles co-construites à partir de CEP et d’expérimentations locales. En deux ans, près de 547 agriculteurs ont été formés et l’usage de solutions agroécologiques contre la CLA a permis d’augmenter les rendements du maïs de 1,9 à 2,7 t/ha, confirmant la pertinence d’outils numériques communautaires auto-gérés pour accélérer la transition agroécologique.
Du constat à l’actioN
Dans ces villages, la Chenille Légionnaire d’Automne (CLA) causait la perte de 15 % du maïs, contraignant certains producteurs à recourir aux pesticides chimiques tandis que d’autres subissaient passivement les dégâts. À cela s’ajoutait une fracture numérique : plusieurs communautés devaient parcourir plus de 15 km pour recharger leurs téléphones ou accéder à des services numériques. C’est pour répondre à ces défis que les Digikiosques ont été implantés, en ciblant des zones où l’agroécologie pouvait apporter des solutions pertinentes et où l’accès à l’information était fortement limité.
Un processus construit étape par étape
L’implémentation des Digikiosques s’est appuyée sur une démarche participative. Après l’identification des villages et des besoins en formation, les communautés ont désigné leurs gérants, devenus formateurs-conseillers. Les contenus agroécologiques ont été élaborés à partir des CEP et d’expérimentations en station, puis traduits en vidéos pédagogiques. Les kiosques ont été équipés et installés, et leurs gérants formés pour projeter les vidéos, animer des échanges et faciliter l’apprentissage entre pairs. Le suivi-évaluation est conduit conjointement par les communautés et les acteurs du projet afin d’ajuster en permanence les dispositifs.
Des résultats qui transforment les pratiques
Environ 547 agriculteurs ont été formés grâce aux Digikiosques. Les contenus issus des savoirs locaux et scientifiques sont transmis selon un curriculum co-construit, favorisant une appropriation progressive des pratiques agroécologiques. La méthode de lutte contre la CLA à base d’hyptis et de savon a été adoptée par près de 70 % des producteurs, réduisant l’incidence du ravageur de 70 % à 50 % et augmentant les rendements de maïs de 1,9 à 2,7 t/ha. Les communautés témoignent aussi d’un renforcement de la solidarité et du partage de connaissances entre agriculteurs. Pour la structure porteuse, cette initiative a permis de développer une véritable expertise en matière d’installation et de suivi de dispositifs communautaires de formation.
Leçons et conseils pour la transition agroécologique
Cette expérience a montré que des dispositifs communautaires enracinés socialement peuvent devenir de véritables espaces de formation agroécologique. Elle a aussi révélé la complexité des enjeux de transition, qui exigent une pluridisciplinarité associant agronomie, sciences sociales et technologies numériques. Trois orientations se dégagent de cette initiative : implanter les Digikiosques dans des zones où l’agroécologie répond à une problématique concrète, renforcer le pilotage communautaire en impliquant directement les populations rurales, et intégrer les savoirs endogènes dans les contenus diffusés pour garantir leur pertinence culturelle et favoriser l’adoption des pratiques agroécologiques adaptées au contexte local.