Au Niger, les Chambres Régionales d’Agriculture en partenariat avec le RECA et d’autres acteurs locaux comme Enabel ou PromaP, ont mis en place depuis 2017 un dispositif de conseil et de formation pour accompagner la transition agroécologique. L’initiative vise à amener les producteurs à adopter des pratiques économiquement viables et durables tout en réduisant la dépendance aux intrants chimiques. Entre 2019 et 2021 plus de trois mille jeunes ont été formés dans la seule région de Tahoua et plus de cinq mille producteurs sont accompagnés chaque année, confirmant l’impact massif de ce dispositif collectif.
Du constat à l’action
Les visites de terrain et les échanges menés par les conseillers agricoles ont révélé des pratiques inquiétantes. La plupart des producteurs utilisaient fortement des produits chimiques souvent non homologués, notamment dans les cultures irriguées, et restaient dépendants des engrais pour accroître la production. Selon les données de la CRA en 2021, près de deux producteurs sur trois avaient recours aux pesticides de traitement et un sur cinq aux herbicides. Ces pratiques polluaient les ressources en eau utilisées aussi bien par les ménages que par les animaux, avec des risques sanitaires graves.
Un processus construit étape par étape
Pour répondre à ces défis, un ensemble d’actions a été déployé. Des ateliers régionaux et des assemblées villageoises ont permis d’informer les acteurs et de préciser les besoins. Des visites terrain ont approfondi la compréhension des rationalités des agriculteurs. Les conseillers et formateurs agricoles ont ensuite été formés aux pratiques agroécologiques. Des sites de formation et de conseil ont été installés dans les villages, animés régulièrement et suivis par des évaluations. Parallèlement, des groupes WhatsApp ont été créés pour favoriser les échanges entre producteurs, et des notes d’information et de capitalisation ont été diffusées pour partager largement les acquis.
Des résultats qui transforment les pratiques et les mentalités
Le dispositif a produit des résultats remarquables. Plus de trois mille jeunes ont été formés en trois ans sur des sites de formation qui durent entre cinq et six mois et plus de cinq mille producteurs, dont cinq cents femmes, sont accompagnés chaque année dans trente-sept sites. Les échanges sur les groupes WhatsApp permettent aux agriculteurs de partager leurs expériences et conseils au-delà de leur localité. Les changements sont significatifs. On note l’adoption de la rotation des cultures, la production et l’utilisation de compost et de biopesticides, l’innovation en maraîchage d’hivernage, l’identification des ravageurs et l’usage de produits homologués. La formalisation des transactions foncières, une meilleure estime de soi des producteurs et une reconnaissance accrue du rôle des Chambres d’agriculture comme référence nationale en matière de conseil et de formation complètent ces évolutions.
Leçons et conseils
Cette expérience a montré que la connaissance fine des agriculteurs et de leurs pratiques reste essentielle pour préparer des contenus de formation adaptés et mobiliser les bons outils pédagogiques. La mobilisation conjointe des médias, des chercheurs, des fournisseurs d’intrants et des conseillers agricoles s’est révélée déterminante. Pour réussir l’accompagnement des transitions agroécologiques, il est important de connaître les pratiques locales avant de former, de choisir des outils adaptés aux publics cibles, de renforcer les compétences des conseillers et de prévoir un suivi post-formation afin de consolider durablement les acquis.