[Paroles d’acteur] Installer un environnement capacitant grâce à l’apprentissage par le faire en agroécologie

De mars 2022 à mars 2025, un projet mené au Cameroun, Bénin, Sénégal et Togo par l’École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole (ENSFEA), en partenariat avec l’Université d’Abomey-Calavi, l’INFAT Tové, l’ENSA Thiès, le CHASAADD-M, le CADR Kpalimé, l’Association SOL et le Réseau FAR, a expérimenté un dispositif de formation en agroécologie centré sur l’apprentissage par le faire. Destiné à des paysans-relais, ce projet vise à valoriser les savoirs paysans locaux et à en assurer la diffusion à grande échelle. Animées par un binôme formateur-professionnel, les formations de quatre jours combinent mise en pratique, échanges d’expériences et apports techniques, pour renforcer la capacité des producteurs à innover dans leur système de production et à entraîner leur communauté dans la transition agroécologique.

Du constat à l’action

Dans les quatre pays, les organisations locales cherchaient à réduire la dépendance des systèmes agricoles aux produits phytosanitaires, en s’appuyant sur les savoirs paysans comme alternatives durables. Mais la transmission de ces savoirs, souvent informels et tacites, demeurait difficile, freinant leur diffusion à grande échelle. Pour relever ce défi, le projet a choisi de concevoir un dispositif qui place l’action au cœur de l’apprentissage. Partant du principe que l’on comprend mieux en faisant, la formation immerge les participants dans des situations réelles de travail où ils expérimentent directement les savoirs identifiés, les adaptent à leur contexte et développent la capacité de les transmettre à d’autres.

Un processus construit étape par étape

Le travail a commencé par un recensement des savoirs paysans mobilisés dans chaque territoire, suivi d’une cartographie précise de leurs détenteurs. Sur cette base, un curriculum de formation par compétences a été élaboré, intégrant ces savoirs dans une ingénierie pédagogique adaptée aux réalités locales. Ce curriculum a ensuite été expérimenté dans les quatre pays, chaque session de quatre jours s’appuyant sur deux savoirs paysans choisis pour leur pertinence et leur potentiel de diffusion. La démarche s’est achevée par une capitalisation des expériences et leur diffusion élargie via une plateforme numérique, afin d’inspirer et d’outiller d’autres initiatives..

Des résultats concrets

En tout, 55 paysans-relais ont été formés. Un an après la formation, un suivi au Bénin, Sénégal et Togo a permis d’estimer que plus de 500 producteurs avaient été touchés directement ou indirectement par cette dynamique. Les paysans-relais n’ont pas seulement appliqué les pratiques apprises sur leurs exploitations. Ils sont devenus des acteurs moteurs, initiant des projets collectifs comme la production de boutures et semences bio au Bénin, la création d’une coopérative de biocompost et biopesticides au Sénégal, ou la consolidation d’une initiative de vente directe de produits agricoles appelée « Panier bio » au Togo. Ces résultats démontrent la capacité de la formation à impulser des changements socio-techniques, organisationnels et culturels durables.

Leçons et conseils

L’expérience a montré que l’apprentissage par la pratique est un levier puissant pour transformer durablement les pratiques agricoles. La co-construction des contenus avec les acteurs de terrain favorise l’appropriation et la diffusion des savoirs. Trois recommandations se dégagent :

  • choisir des savoirs paysans correspondant aux besoins réels des apprenants ;
  • sélectionner un binôme d’animateurs compétents (professionnel et formateur) sur les plans technique et pédagogique ;
  • organiser les formations dans des lieux déjà engagés dans l’agroécologie, où les ressources naturelles entrant dans la conception des techniques agroécologiques enseignées sont disponibles.