[Paroles d’acteur] Valoriser les savoirs amazigh et occitan/vaudois pour une formation agroécologique innovante

Depuis mai 2024, le professeur Lasaad Hedhili coordonne un projet euro-méditerranéen reliant Sefrou, au Maroc, et Guardia Piemontese, en Calabre (Italie). À Sefrou, région agricole réputée pour sa cerisiculture et ses traditions amazigh, la transmission des savoirs ancestraux se heurte aux effets de la modernisation. À Guardia Piemontese, village occitan/vaudois, les parcours patrimoniaux et la mémoire historique illustrent une forte résilience culturelle et agroécologique. Soutenu par l’AUF Afrique du Nord et Cité Innovation Université de Fès, le projet articule savoirs locaux et recherche scientifique pour former producteurs, étudiants et jeunes, tout en valorisant le patrimoine et en renforçant la résilience territoriale.

Du constat à l’action

La cerisiculture et les pratiques agricoles amazigh de Sefrou perdent peu à peu leur place dans la transmission intergénérationnelle. En Calabre, Guardia Piemontese conserve, à travers ses sentiers patrimoniaux, une mémoire vivante de la résistance culturelle vaudoise et de ses liens avec la nature. Ces deux territoires partagent un besoin de redonner sens à leurs savoirs endogènes en les reliant à la recherche et à l’innovation. Le projet a été conçu pour intégrer ces savoirs dans des formations supérieures, revitaliser les festivals locaux comme lieux de transmission et renforcer l’ancrage territorial.

Un processus construit étape par étape

À Sefrou, des ateliers participatifs ont été organisés avec producteurs, étudiants et formateurs lors du Festival des Cerises et Miss Cerises, mettant en valeur les pratiques agricoles locales et les microbiomes amazigh. À Guardia Piemontese, une marche éducative intergénérationnelle sur les Sentieri Valdesi, animée avec Paola Lentini et Franco Borgogno, a combiné contes, musique et échanges sur l’agroécologie, jusqu’au Lago La Paglia. Des conférences, modérées par Giovanni Agresti et Gabriella Sconosciuto, ont permis de partager les résultats et la méthodologie. Les contenus produits sont désormais intégrés dans les modules de Cité Innovation – Université de Fès et diffusés par l’AUF pour inspirer d’autres territoires.

Des résultats qui transforment les pratiques et les mentalités

Près de 250 personnes ont été sensibilisées ou formées, incluant producteurs, étudiants universitaires, jeunes Erasmus et acteurs locaux. À Sefrou, des modules combinant microbiomes amazigh, pratiques agroécologiques et valorisation du patrimoine ont été intégrés dans les curricula. À Guardia Piemontese, la marche éducative a renforcé l’apprentissage intergénérationnel et interculturel. Les jeunes Erasmus ont contribué par des performances artistiques et linguistiques, renforçant le lien entre savoirs locaux et expression culturelle. L’approche participative a consolidé les partenariats et posé les bases d’un modèle pédagogique transférable à d’autres contextes méditerranéens.

Leçons et conseils

L’expérience confirme qu’une formation agroécologique pertinente repose sur un dialogue constant entre savoirs endogènes et sciences contemporaines. La dimension interculturelle est un levier pour mobiliser les communautés et impliquer les jeunes. La pédagogie de terrain, basée sur des marches éducatives, des échanges intergénérationnels et des performances artistiques, facilite l’appropriation des savoirs. Pour reproduire cette démarche, il est recommandé d’associer dès le départ les porteurs de savoirs locaux, de combiner activités académiques et moments culturels festifs, et de renforcer la coordination entre institutions, universités et réseaux internationaux pour assurer la pérennité et le rayonnement du projet.