Située dans le Kongo Central, en RDC, la ferme JauneCongo appartient à ses travailleurs et prône l’agroécologie en produisant plus de 50 variétés de fruits et légumes livrés chaque semaine à Kinshasa. Dans une région où les intrants chimiques restent accessibles, l’équipe, d’abord peu motivée à utiliser compost et biopesticides, a changé de regard après l’émerveillement d’agronomes universitaires devant ses pratiques. De cette prise de conscience est née l’idée de structurer l’expérience en modules de formation et d’accueillir stagiaires et élèves des ITA dans un cadre adapté à tous niveaux.
Du constat à l’action
L’utilisation des produits chimiques était initialement très attrayante pour l’équipe, et l’usage du compost ne suscitait pas d’enthousiasme. La visite d’agronomes universitaires, admiratifs devant le compost et les pesticides organiques produits sur place, a déclenché l’envie de théoriser l’expérience. Des modules ont été conçus pour expliquer les techniques de fabrication du compost et des biopesticides. Testés en interne, ces modules ont suscité un intérêt particulier : chaque travailleur devenait évaluateur à tour de rôle, ce qui a renforcé leur engagement. Parallèlement, les demandes de stage des ITA se multipliaient, incitant JauneCongo à adapter ses modules pour accueillir jeunes et adultes.
Un processus construit étape par étape
Pour rendre possible ces stages, JauneCongo a construit des infrastructures dédiées (dortoirs, paillote de formation, sanitaires) et élaboré huit modules courts et imagés. Un programme de stage adaptable à tous les niveaux a été mis en place, intégrant les stagiaires au rythme de la ferme. Après la réunion d’équipe, une heure est consacrée aux apports théoriques sous la paillote avec un agronome, suivie de séances pratiques en petits groupes (1 à 2 heures) sur des activités variées : compost, biopesticides, pépinière de fruitiers, petite transformation agricole. L’encadrement est assuré par trois référents, trois maîtres de stage et l’ensemble de l’équipe, dont plus de 80 % ont quitté l’école tôt.
Des résultats qui transforment les pratiques et les mentalités
Depuis décembre 2022, plus de 500 stagiaires ont été accueillis, dont 40 % de femmes. Parmi eux, 300 étudiants des ITA, dont une partie grâce à la subvention du Réseau FAR, et 30 venus à leurs frais. Les modules sont désormais repris dans les cours des ITA, et des conventions de partenariat ont été signées. L’outil pédagogique phare reste l’évaluation participative : chaque stagiaire devenu évaluateur améliore ses explications et met en valeur les compétences de ses pairs, chaque certificat portant la mention « a excellé sur… ». Les questionnaires de fin de stage révèlent un fort taux de satisfaction, notamment pour la diversité des activités, la qualité de l’accueil et l’accessibilité de toute l’équipe. Les jeunes des ITA, après leur stage, affirment ne plus vouloir acheter de produits chimiques.
Changements observés
JauneCongo conserve des liens avec 20 % des stagiaires adultes, qui partagent régulièrement leurs avancées. Les techniques de compost et de biopesticides restent parmi les plus appréciées. L’équipe a gagné en professionnalisme et les valeurs agroécologiques imprègnent davantage le travail quotidien. Les liens avec les communautés villageoises, les associations paysannes et les structures locales se sont renforcés, tout comme la reconnaissance par les autorités. L’accueil de stagiaires stimule l’émulation interne, valorise le métier d’agriculteur et favorise le brassage d’idées grâce aux échanges avec les universités.
Leçons et conseils
Former des stagiaires renforce les capacités de transmission et d’accueil, en particulier si un encadrement adapté est prévu. Les infrastructures améliorent la participation des femmes, et l’intégration des stagiaires dans la vie de la ferme, avec une charte de valeurs claire, assure un cadre sécurisant. Pour réussir, il est essentiel d’embrasser toutes les dimensions de l’agroécologie (agronomiques, économiques, sociales et politiques), de diversifier les techniques, d’étudier le marché pour valoriser les produits, et de favoriser la diffusion des valeurs pour ancrer durablement l’agroécologie dans la région.
